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Sous leurs dehors d’aquarellistes, trois artistes européens résidents à Rabat proposent une vision du Maroc loin du pittoresque. A la Galerie Fan-Dok, ils dévoilent un regard sans concession sur leur pays d’adoption, jusqu'au 25 juin !

par Syham Weigant

 

Luis Esteban Polo, l’Espagnol rêveur, Laetitia D’Oultremont, la Belge discrète et Roger Davis, l’Anglais au vitriol. Techniques et sujets varient, mais tous assument la portée engagée de leurs œuvres : « Bad art console, Good art provoke ! », résume le flamboyant septuagénaire anglais au look de gentleman.

Au terme de vingt-cinq années d’abstraction, il change de voie en séjournant au Maroc. Davis prend des croquis comme d’autres des photos, et décide d’en développer certains. La composition de ses toiles,  mosaïque de petits carrés, a été dictée par la nécessité du voyage : « A l’hôtel, je n’avais pas assez de place pour peindre de grands formats. C’est ainsi que j’ai décidé de peindre carré par carré. »

Davis bascule, décide de traiter de sujets « sociaux », scènes quotidiennes de ce Maroc que l’on refuse de voir : jeunes qui sniffent de la colle, cartons d’ordures estampillés de la marque « Always ». « Les sujets que je représente me choisissent, ils me hantent jusqu’à ce que je sois satisfait, et je suis difficile à satisfaire… C’est la vie quotidienne que je peins, je ne comprends pas pourquoi les artistes marocains s’évertuent à montrer un « Neverland », un Maroc qui n’existe pas et n’a jamais existé, comme s’ils ne pouvaient pas faire face à la réalité. On me dit que la vie est dure et qu’on veut l’oublier. Au contraire, il faudrait l’exprimer… »

 

Chroniques de la vie ordinaire

Laetitia d’Oultremont, jeune artiste de 32 ans qui s’est longtemps spécialisée dans les fresques murales et les trompe-l’œil à La Cambre, maîtrise le trac. Elle préfère la retenue, estimant que ce n’est pas son rôle de « s’engager au Maroc ». Ses dessins en réserve à l’encre sont une chronique de l’actualité brûlante. A partir d’images collectées sur des blogs, sites d’actualité et réseaux communautaires, elle fait s’entrechoquer les représentations : prières du vendredi, manifestations issues du Mouvement du 20 février. D’autres oeuvres montrent des « petites bonnes » ployant sous le poids des corvées…

Luis Esteban Polo poursuit : « nous venons d’un combat perdu. Aujourd’hui même un mouvement comme “Les Indignés” est vite dissipé, alors qu’au Maroc, il y a un équilibre instable mais qui peut justement être source de liberté. » L’histoire qu’il raconte dans un quadriptyque, est comme un sonnet dont le dernier tercet contredit les premiers quatrains. Polo dépeint la même scène au Marché Central de Rabat à des moments distincts, les personnages s’organisant autour de la figure d’un plombier journalier qui attend le chaland adossé au mur. « Ces quatre scènes très différentes ne sont possibles qu’au Maroc, où on peut voir les quatre saisons se succéder au cours d’une même journée. Dans la dernière strophe de ma scène, j’interprète la réalité de manière lyrique, les éléments se détachent de leur ombre et semblent flotter. La composition d’ensemble, très musicale, est un hommage à ces hommes libres. Je viens d’une société où c’est le peuple qui décide mais cela finit par générer l’immobilisme alors qu’ici malgré la souffrance, les gens luttent pour trouver leur place… »

Trois discours à la fois amoureux et critiques sur Rabat et le Maroc. Trois univers qui diffèrent autant qu’ils s’équilibrent, à découvrir.

 

Laetitia D’Oultremont, Roger Davis, Luis Esteban Polo
« Trois artistes étrangers à Rabat »
Galerie Fan-Dok, Rabat
jusqu’au 25 juin 2013

 

 

Arty Leila (Laila Hida) et Artsi, Looking for you, 2014, tirage numérique
Arty Leila (Laila Hida) et Artsi, Looking for you, 2014, tirage numérique
Fondation Louis Vuitton
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Roger Davis, Rabat, 73x73 cm ©Roger Davis
Roger Davis, Rabat, 73x73 cm ©Roger Davis
Sabyl Ghoussoub, Identity Crisis, 2013 Glossy Paper on Dibon , (Galerie Sophie Lanoë) Copyright Sabyl Ghoussoub
Sabyl Ghoussoub, Identity Crisis, 2013 Glossy Paper on Dibon , (Galerie Sophie Lanoë) Copyright Sabyl Ghoussoub
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