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Chourouk Hriech : Un automne à Douala

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L’artiste franco-marocaine sort des sentiers battus et restitue son séjour camerounais dans une série d’encres de Chine aux allures de carnet de voyage.

 

Marie Moignard

 

 

A la source de tout renouvellement de l’acte créateur, il y a un jour le voyage. Chourouk Hriech est partie « faire ailleurs », au Cameroun, pour y puiser une nouvelle fraîcheur. Au cœur de tout voyage, il y a une rencontre.

Chourouk Hriech y célèbre les fiançailles de la ligne et de l’espace tout entier, dans « une observation qui m’a renvoyée à mon propre état, comme face à un miroir ». Pour construire « son » Douala, elle s’est abreuvée à toutes les

saveurs de l’encre de Chine. Au-delà du papier, le mur, la terre cuite ou encore la vidéo se font supports. Elle en a même tiré un livre, son premier, où elle a laissé son acolyte Melik Ohanian interpréter ses dessins en négatif et Nicolas Bourriaud les mettre en mots. Fruit d’une résidence à l’automne dernier au sein du centre d’art contemporain Doual’art, la série 1ère rencontre avec Douala esquisse un carnet de voyage pas comme les autres. « Ce qui me frappe, c’est que cette série de dessins naturalise le cadrage photographique : les vues présentées par Chourouk Hriech semblent redoubler par le trait le dispositif de l’appareil photo, en respecter les codes, en invoquer même le protocole. Involution de la photographie dans le dessin, son travail se constitue de squelettes de choses vues, comme un ossuaire de la vision, une calcification du regard », écrit Nicolas Bourriaud. Dans la capitale camerounaise, Chourouk Hriech engage une rupture fertile : dans ses précédents travaux, l’architecture construisait autant qu’elle déroutait l’interprétation onirique de l’univers urbain. Ici, ses dessins « photographiques » sont faits de multiples strates, de plans successifs qui restituent une ville en perpétuel chantier, non pas en instantané mais par fragments de réalités. « C’est un tout, précise Chourouk Hriech, dont les ingrédients sont à la fois des notes dessinées, des photos, des documents trouvés sur place, des mots et des improvisations graphiques. Et paradoxalement il y a, comme je le mets en place depuis longtemps, plusieurs entrées dans le dessin, plusieurs formes ou points d’ancrage. »

À Douala, les colonisations allemande et française puis la course à la modernité ont produit un chaos architectural pas si éloigné de l’exemple casablancais. « J’ai d’abord été saisie par une sensation d’histoire tragique et orchestrée, dépossédant ses Hommes de leurs destins, de leurs choix des possibles, dans ce paysage post apocalyptique par endroits : des ponts qui ne tiennent que par trois planches rongées, des murs qui dégoulinent tels des pains de sucres sous la pluie, ou alors magnifiquement cousus et suspendus. » La vie semble batailler contre tous les étouffements. L’hôtel Le Combat lutte derrière un réseau de fils électriques, tandis que des masques traditionnels se cachent dans les feuilles de bananier. Aujourd’hui, ce patrimoine entremêlé est autant menacé que le présent de ceux qui l’habitent. L’estuaire nourricier qui accueille en son sein les trois grands fleuves camerounais est écrasé sous la pollution et la pression urbaine. Mais « Douala déjoue toutes nos habitudes. Toute cette eau alentour. Une eau d’un sombre vert. Une eau sans le reflet que nous pourrions en attendre. Une eau fertile d’images fugitives. » Chourouk Hriech reprendra ce printemps le chemin du Cameroun pour poursuivre cette résidence dans le cadre du Salon urbain de Douala (SUD) qui aura lieu en décembre 2017. Repoussant encore les limites de sa propre géométrie, elle investira le support mobile que sont les motos-taxis pour inventer avec espoir des « histoires qui se déplacent d’un passager et d’un quartier à l’autre… ». Et faire voyager encore son tracé.

 

Chourouk Hriech, «Faire ailleurs», Galerie Anne-Sarah Bénichou, Paris, jusqu’au 6 mai 2017.

Faire ailleurs, livre de Chourouk Hriech avec Melik Ohanian, texte de Nicolas Bourriaud, éditions Galerie Anne-Sarah Bénichou, Paris, 2017.

 

 

1ère rencontre avec Douala #9, 2016, série 1ère rencontre avec Douala, encre de Chine sur papier, 18 x 24,5 cm
1ère rencontre avec Douala #9, 2016, série 1ère rencontre avec Douala, encre de Chine sur papier, 18 x 24,5 cm
Circle Line. Vidéo Installation. 3 projections synchronisées. 3 X 6'. 2007. Détail de l'installation. Courtesy de l'artiste.
Circle Line. Vidéo Installation. 3 projections synchronisées. 3 X 6'. 2007. Détail de l'installation. Courtesy de l'artiste.
Fatiha Zemmouri
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