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Collection Pinault : affinités électives, porosités poétiques

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En marge de la Biennale de Venise, l’exposition de la Pointe de la Douane, construite à partir de la collection Pinault, est toujours très attendue. Après le très grandiloquent solo show de Damien Hirst en 2017, place cette année à la finesse et la poésie. C’est la curatrice Mouna Mekouar qui fait l’exercice, dans une formule tout en porosités : entre des artistes et la figure tutélaire de la Libanaise Etel Adnan, entre art et poésie, entre cette presqu’île et les variations cosmiques de la mer, du vent et du soleil.

Alessandro Piangiamore, Api e petrolio fanno luce (7), 2019, résidus de bougies en cire d’abeilles et paraffine, fer, 203 x 121 x 3 cm

Pour les esprits chagrins et tous ceux qui regrettent cette année encore l’absence d’un pavillon marocain à Venise, on peut se consoler avec « Luogo e Segni », l’exposition curatée par Mouna Mekouar pour la Punta della Dogana, à partir d’œuvres de la collection Pinault, auxquelles s’ajoutent des artistes qui pourraient y faire bientôt leur entrée. Dans cet ancien mirador et bureau de douane, fouetté par vents et marées à l’extrémité du Dorsoduro, on peut prendre l’exposition par la fin, où figure une reproduction à l’identique, au détail près de disposition et couleurs, de l’exposition « Garden of Memory » proposée en 2018 au Musée Yves Saint Laurent à Marrakech, dans laquelle dialoguaient Etel Adnan, Simone Fattal et Robert Wilson. Un peu à la manière d’une matrice, ce « jardin de souvenir » contenait en germes les trois thèmes explorés ici à Venise : le rayonnement de la poésie, l’évocation des affinités électives entre artistes et l’invitation à plonger dans les mystères de la mémoire.

Toujours à rebours dans le parcours de l’exposition, le plus grand espace accueille l’installation Mesk-Ellil de l’artiste marocain Hicham Berrada, que Mouna Mekouar connaît bien, invité en résidence de la Collection Pinault à Lens. On est saisi par ces sept caissons monumentaux où s’affaire en silence une botanique dont l’artiste a inversé avec poésie le processus circadien naturel. Pendant 12 heures, il fait artificiellement tomber l’obscurité sur la closerie. Pendant les douze heures suivantes, il crée, grâce à un éclairage horticole, la luminosité nécessaire aux plantes. Cette transfiguration du jour en nuit, cette vie inversée des plantes produit une expérience immersive, visuelle et olfactive.

L’EMPREINTE SENSIBLE DU MONDE

Après ce détour par les présences marocaines, retour au sens voulu par la curatrice. Il faut se donner le temps d’une promenade éclairée à la lumière naturelle, regarder partout les taches de lumières qui varient en fonction de l’heure, écouter les vagues au dehors, ressentir la mer toute proche, ignorer les gros yachts, nécessaires accessoires du Venise bling-bling et qui ici et là bouchent certaines vues surprenantes sur l’extérieur, avec lesquelles Mouna avait composé, il y a quelques mois, en travaillant sur la porosité de ce lieu avec l’extérieur. Il faut parcourir tranquillement tous les espaces et chercher à comprendre de quelle manière nature, création et poésie se répondent dans les œuvres.

Meryem Sebti

«Luego e Segni», Punta Della Dogana, Venise, jusqu’au 15 décembre 2019.

Retrouvez l’intégralité de cet article dans le numéro 49 de diptyk disponible en kiosque et en ligne

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