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D’où viennent les images ?

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Avec l’exposition «Engramme», Abdelkader Benchamma explore les strates dont sont faites les images. Entre sédimentations géologiques et cartographies cérébrales, le dessinateur interroge aussi la notion de croyance.

Trois mois de résidence à la Villa Médicis auraient-ils transformé l’imaginaire de Abdelkader Benchamma ? Le titre de l’exposition, « Engramme », qui désigne l’empreinte sur nos cerveaux des traces laissées par la mémoire, pourrait le laisser croire. L’idée que « les images pourraient laisser des traces dans l’histoire et ne disparaîtraient pas totalement » est, selon les mots du dessinateur, le point de départ de ce nouveau projet. « Peut-être que les images demeurent après tout dans un inconscient collectif ? », s’interroge-t-il, observant qu’à Rome, différentes strates de civilisation se superposent les unes aux autres. La lecture de l’essai de Didi-Hu- berman, L’Image survivante, aura confirmé cette intuition initiale et amené l’artiste à s’intéresser conjointement à la sédimentation géologique et aux différentes strates de l’in- conscient. « Je ne suis pas scientifique, tient-il néanmoins à préciser, mais je me permets parfois de recourir à des termes scientifiques pour la portée poétique qui est la leur. »

Un premier triptyque, intitulé Engramme, constitue la matrice de cette exposition qui plonge le spectateur en immersion. Des motifs géologiques révélant les sédimen- tations de l’écorce terrestre dessinent un flux continu qui se prolonge sur les cimaises de la galerie. Les phénomènes de vortex, caractéristiques jusqu’alors du dessin de Ben- chamma, s’emparent du spectateur, invité à évoluer dans un espace mouvant et fracturé. La vibration du trait rappelle le tracé d’un électro-encéphalogramme, comme si l’artiste esquissait une sorte de cartographie cérébrale. Et si des couleurs, notamment dans les tons bruns et verts, appa- raissent à côté des encres et du fusain, c’est par allusion aux marbres italiens que l’artiste a pu contempler lors de sa résidence.

Engramme – Book of Miracles (à gauche), Engramme – Trees of Miracles (à droite) 2019, encre et fusain sur papier, 158 x 138,5 cm Photo B. Huet/ Tutti

COMME UN ÉLECTRO-ENCÉPHALOGRAMME

À l’instar de l’univers en expansion qu’il se plaît souvent à figurer, l’univers plastique de Benchamma se ressource auprès de formes aussi différentes que la fresque murale, les estampes japonaises ou les miniatures. Si le visiteur prend le temps de s’approcher des immenses toiles réalisées pour l’occasion, il découvrira des vignettes au cadre parfaitement délimité représentant d’étranges scènes où l’humain refait surface. Inspirées de visuels trouvés sur Internet, ces images évoquent les « miracles » mis en scène par certains sites de prosélytisme musulman. Et, par là même, interrogent l’in- terdiction de représentation propre à l’islam. « Ce qui m’in- téresse, souligne l’artiste – qui avait déjà abordé cette pro- blématique dans l’exposition « L’horizon des événements » curatée par Yasmina Reggad au Centquatre en 2018 –, est cette question de la croyance, notamment dans les images. » Abyssal!

 

Abdelkader Benchamma, «Engramme», Galerie Templon, Paris, jusqu’au 19 mai 2019.

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