Il y a comme une urgence dans cette rentrée, dont Diptyk se fait l’écho dans un numéro très enthousiaste. Une urgence à accrocher un wagon au train lancé de l’art contemporain mondialisé : celui de l’Afrique dans toute sa force, sa sève, sa créativité, son génie aussi.
Début octobre, c’est la 1:54 Contemporary African Art Fair qui ouvre le bal en reprenant ses marques à Londres avec une 4e édition agrandie et renforcée. On y attend la fine fleur de l’art africain bankable avec des galeries et des artistes du monde entier, dont le Maroc. À peine quelques semaines plus tard, une première édition d’AKAA Art Fair (Also Known As Africa, un titre bien trouvé), essaiera à Paris de prouver que le marché africain n’est pas cantonné à Londres ni à New York, premières places financières à avoir senti ce vent chaud et fertile qui venait du sud.
Cependant, si l’art contemporain africain est la coqueluche du marché, cet arbre au feuillage touffu ne doit pas cacher la forêt : ces artistes, venus d’un continent où ils ont leurs puissantes racines et dont ils tirent la légitimité de leur discours, ne sont pas là uniquement pour leur potentiel spéculatif ou leur désirabilité sur un marché qui digère vite ses effets de mode. Ce sont également eux qui, en irrigant leur travail des problématiques identitaires qui déchirent les sociétés occidentales, sont nommés aux plus hautes distinctions des institutions européennes. Ainsi, cette année, le Prix Marcel Duchamp, décerné chaque année à Paris au moment de la FIAC et qui distingue depuis 2000 un artiste issu de la scène hexagonale, a nommé quatre artistes dont trois issus de la diaspora (nord-)africaine : Kader Attia, Yto Barrada et Barthélémy Toguo. «Nous choisissons des artistes qui correspondent le plus à ce que nous pensons être l’esprit de l’époque», souligne le président de l’Adiaf, Gilles Fuchs. L’esprit de l’époque ? Ce doit être de redessiner une mappemonde où l’Afrique serait le centre du monde.
On n’oublie pas que c’est en Afrique (du Nord) que se joue, en préambule de la saison, une étape-clé de la destinée de la planète avec une COP22 à Marrakech où se discutera l’avenir des pays en voie de développement et leur capacité à choisir un autre modèle de croissance. Car il faut imaginer une planète où l’Afrique, soudain, prenne son destin en main. À Marrakech, en marge de la COP, comme une alternative magistrale au discours scientifique, vous pourrez suivre les artistes et leur « Essentiel paysage » dans une exposition montée par Brahim Alaoui. Des images puissantes, violentes parfois, pour sensibiliser au réchauffement climatique, à la surexploitation des ressources naturelles et aux dangers du consumérisme.
Meryem Sebti
Directrice de la publication et de la rédaction