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Elsa Bleda: Fenêtres la nuit

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Les images d’Elsa Bleda sont comme une balade entre un film de Wong Kar-wai et une peinture d’Edward Hopper. Un conte fantastique qui se raconte à la lumière des néons, dans une ville désertée où la présence humaine se devine plus qu’elle ne se voit.

J’ai grandi en voyageant », raconte Elsa Bleda qui a traversé toute l’Europe au gré des pérégrinations de sa mère artiste. Née en France en 1988, elle n’y a jamais vécu. « Au cours de cette vie de voyages, la photographie est devenue une langue, un compagnon de mon adolescence », précise l’artiste qui s’est installée en Afrique du Sud il y a dix ans. Elle n’a pas arrêté de bouger pour autant. Le monde nocturne de Johannesburg est désormais le terrain de ses longues virées en voiture. En 2014, elle entame la série My Nightscapes et commence à déambuler très tard dans la nuit, ce moment où les récits diffèrent, où la ville révèle ses propres dimensions et émotions. Pendant que tout le monde dort, la photographe transforme ce monde mystérieux en tableau. L’architecture y est brutale. Ce sont ensuite les couleurs qui surgissent des néons, du rose, du vert, du cyan et du magenta qui deviennent le révélateur des scènes. Elles agissent comme des filtres pour prendre du recul face à la réalité et la dureté du monde.

Dans l’objectif d’Elsa Bleda, Johannesburg se met à ressembler à Pékin ou à Tokyo. Sa série Chinatown (Johannesburg) dévoile la singularité de l’architecture de ce quartier. En pointillé, on observe d’une nouvelle manière la communauté asiatique et la façon spécifique dont l’urbanisme de ce quartier est pensé. Ce travail se prolonge dans Chinatowns of Africa, une série qui s’étend sur d’autres villes du continent. Si les images d’Elsa Bleda évoquent le cinéma de Wong Kar- wai, c’est parce qu’elles jouent sur cette même ambivalence visuelle, entre un côté futuriste et mystérieux, entre imaginaire et fantasme. Elle partage avec le cinéaste le même goût de la langueur et de la solitude. Et, comme chez lui, les villes qu’elle explore deviennent des personnages à part entière. La série Midnight Stop est le résultat de longues heures de route dans le Kwazulu-Natat, qui n’est pas sans rappeler le célèbre tableau Nighthawks d’Edward Hopper. Elsa Bleda revendique ces influences qui mêlent l’univers nocturne de Brassaï, les ambiances de Gregory Crewdson mais aussi la musique : « J’écoute certains types de musique pendant que je photographie, comme lorsque j’édite. Je crois que la musique se reflète et se traduit dans mes images. Et c’est la raison pour laquelle j’y associe certaines musiques, titres et poèmes lorsque je les partage. Mes légendes évoquent souvent une certaine émotion et un certain état qui aiguille le spectateur. Mon travail est une expérience solitaire, j’aide les gens à entrer dans ce monde en douceur ». La série de Midnight Gothic commence d’ailleurs par des vers de Charles Baudelaire : « Dans les plis sinueux des vieilles capitales, / Où tout, même l’horreur, tourne aux enchantements, / Je guette, obéissant à mes humeurs fatales, / Des êtres singuliers, décrépits et charmants. » (Les petites vieilles, Les Fleurs du Mal). Cette série réalisée principalement à Hillbrow révèle une nouvelle facette de Johannesburg. Les jeux de lumière et de néons dévoilent l’aspect brutaliste et la diversité architecturale qui composent cette ville si extraordinaire.
Les deux prochaines années sont pleines de promesse pour Elsa Bleda. En 2019, elle poursuivra la série Chinatown. Sa vie de nomade reprendra pour une nouvelle série sur des endroits isolés dans le monde, quasi inacessibles. Ce projet aboutira à un livre en 2020. En parallèle, la photographe collabore à des expériences immersives de réalité virtuelle/ augmentée à partir de ses images. Le spectateur pourra ainsi plonger dans le monde nocturne de Johannesburg.

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