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« Être ici » 2022 : un parcours artistique au cœur du magnétisme tangérois

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Réhabilitant le patrimoine de la medina le temps d’une balade arty, le festival « Être ici » a réussi, dimanche dernier, à faire revivre les fantômes du passé et à pointer les impasses du présent. 

« Être ici » : un incubateur de nouveaux talents ? Sans doute si l’on s’attache à la découverte de cet artiste photographe de 21 ans, Mohamed Ahnach, originaire de Khénifra. Son installation éphémère, Wall and Bridges n°3, constituée d’ossements d’animaux, perpétue une esthétique macabre des Vanités très convaincante. De même, la proposition de l’actuelle étudiante de l’INBA originaire d’Agadir, Zineb Bouchra, suggérant à travers de simples interventions plastiques sur la façade de la Villa Tassia, le tremblement de terre des années 60, emporte l’adhésion.

Car tout est toujours menacé de disparition, nous rappelle la 4ème édition de cette manifestation tangéroise initiée en 2014 par l’association Assilates. Et les pouvoirs publics l’ont bien compris qui, ces dernières années, ont transformé en musées nationaux trois des bâtiments exhumés lors des précédentes éditions dont le Borj-en-Naâm dédié aujourd’hui à la mémoire d’Ibn Battuta ou la prison du Méchouar devenu l’espace d’art contemporain Al Kasbah où l’on peut découvrir, pendant une petite semaine, le travail du dessinateur Thomas Henriot et du photographe Ferrante Ferranti ayant immortalisé chaque recoin de l’ancienne prison.

Compagnie Col’Jam, Place du Méchouar. Détail de l’installation architecturale réalisée conjointement par l’ordre national des architectes - Conseil de la région Tanger Tétouan et l’école nationale d’architecture de Tétouan, crédit photo Françoise Bévy

Lost in médina

L’idée de départ du festival est simple : réhabiliter des lieux du patrimoine fermés au public et y organiser le temps d’une journée des expositions d’art contemporain, des concerts ou lectures. Après des premières éditions balbutiantes, l’événement trouve aujourd’hui sa vitesse de croisière et son public. Un public tangérois tout d’abord : celui de la médina où la plupart des événements ont été organisés. Curieux, intrigué, fier aussi de guider les visiteurs arty de Rabat ou Casablanca, peu familiers parfois de ruelles qui, malgré leur aspect flambant neuf, restent gardiennes des fantômes du passé.

Et les artistes l’ont bien compris. Omar Mahfoudi, de retour au bercail, propose une vidéo d’animation sur laquelle des squelettes se déhanchent sur fond de cartes postales figurant un Tanger disparu. Pied de nez affectueux à la mythologie d’une ville dont le passé international est préservé ici comme un butin de guerre. Le long d’un parcours sans faute, la compagnie de danse casablancaise  Col’Jam, a ponctué la journée par des performances exprimant l’aspiration à la liberté d’une jeunesse  réduite à contempler du Détroit de Gibraltar un continent européen toujours plus inaccessible.

Mohamed Ahnach, Wall and Bridges N°3, installation, ossements d’animaux et tulle noire, Le Détroit Palace, Tanger, crédit photo : Mehdi Sefrioui, courtesy de l’artiste

La magie des lieux

Le parcours a donné accès à des espaces habituellement fermés au public dont le charme ne cesse d’opérer : de la pension Naciria menaçant de tomber en ruines  où le plasticien bruxellois Floris Boccanegra convoque les fantômes des migrants ayant tenté la traversée, à la salle mythique du Détroit Palace offrant une vue imprenable sur la baie, en passant par l’établissement Au fil du jardin suspendu où ont officié, aux côtés du peintre Abdellah Khairouni, un trio très jazzy emmené par Stéphanie Gaou, Cédric Abouchala et Marco Dadie dans une lecture musicale autour des villes-mondes.

Les exigences de l’art contemporain ne sont pas pour autant occultées, comme on a pu le réaliser au Bazar « Marrakech La Rouge » réunissant la fine fleur de l’art contemporain dont Younès Atbane, Hicham Matini, Amina Rezki et Youssef Ouchra. L’installation in situ de Safaa Erruas, En fumée, ayant investi une ancienne boutique de fils à soie a aussi produit son effet. Composée de tubes à essai reliés entre eux par un écheveau de fils dessinant une subtile toile d’araignée et contenant des graines commençant à germer, l’artiste y évoque métaphoriquement les incendies ayant ravagé le nord du Maroc dans une proposition méditative et remplie d’espoir. En germes les prémices d’une prochaine édition que l’on attend déjà avec impatience.

Olivier Rachet

Abdellah Khairouni, réalisation d’une œuvre in situ, Au fil du Jardin suspendu, médina de Tanger
Amina Rezki, Le dîner familial, huile sur toile.
Zineb Bouchra, technique mixte, La Villa Tassia, Tanger, courtesy de l’artiste
Safaa Erruas, En fumée, 2022, Installation in situ, Tubes à essai, fils de coton, graines végétales, eau et coton, détail, courtesy de l’artiste
Compagnie Col’Jam, performance, La Pension Naciria, médina de Tanger, 2022

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