Vous avez remis votre rapport le 23 novembre dernier. Quelle en est la philosophie ?
Il fallait tout d’abord faire un inventaire des objets présents dans les collections nationales françaises : 70 000 au quai Branly et 90 000 en France. Ensuite, nous avons travaillé sur l’historiographie et la biographie des objets, en nous demandant comment ils étaient arrivés dans les collections nationales françaises et quelle était la nature du geste de captation patrimoniale. Nous avons établi une typologie fine : les objets pris par spoliation, butin de guerre – donc dans une violence militaire –, ceux pris lors de missions scientifiques, les objets achetés ou vendus sur le marché de l’art, et enfin les legs. Nous avons préconisé que ces objets, lorsqu’ils sont demandés, soient restitués. Le détour par l’histoire a été important pour comprendre en quoi le geste d’appropriation était problématique. À la fin du travail, nous indiquons que restituer, c’est rééquilibrer. C’est fonder une nouvelle éthique relationnelle, une nouvelle économie de l’échange sur la réciprocité et le respect mutuel. C’est dire que l’on pouvait être héritier d’une histoire, mais qu’on était en mesure d’écrire une nouvelle histoire au présent, fondée sur une manière différente de faire circuler des objets.
D’après vous, pourquoi ce projet de restitution ne concerne-t-il que l’Afrique subsaharienne ?
Pace que c’est la région du monde qui a fait l’expérience de la plus grande expatriation de patrimoine. Selon plusieurs sources, au moins 90 % de son patrimoine se trouve à l’étranger, notamment dans les anciennes puissances coloniales. Une part importante du patrimoine égyptien par exemple est en Europe, mais les grands musées du Caire conservent une part significative de leur patrimoine. Ce n’était pas le cas de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne.