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Fès, l’africaine

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Le philosophe Ali Benmakhlouf dirige depuis cette année le forum organisé par la fondation « Esprit de Fès » en marge du Festival des musiques sacrées. Il évoque les relationsentre la ville impériale et le sud africain.

Propos recueillis par Meryem Sebti

Pourquoi le forum de Fès a-t-il choisi l’Afrique cette année ?
Le Maroc a choisi un destin résolument africain. Le forum de Fès et le festival s’inscrivent également dans ce sillage. Il se trouve que l’on connaît assez mal les liens entre la ville impériale et son sud africain. Nous avons voulu cette année porter un éclairage plein sud.

 
De quelle manière mettezvous en évidence ces liens ?
Deux figures les incarnent pleinement : Hassan Al Wazzan, dit « Léon l’Africain », grand savant et diplomate du début du XVIe siècle, et Sidi Ahmed Al Tijani, fondateur de l’ordre confrérique éponyme, au début du XIXe siècle. Pour ces deux personnages emblématiques, comme pour tant d’autres, savants ou commerçants arpentant l’Afrique du Nord et de l’Ouest, Fès était un passage obligé. De Fès à Tombouctou ou à Dakar, ces voyageurs se sont non seulement croisés, mais étaient parfois les mêmes.
Nous reviendrons par exemple sur Léon l’Africain sous la forme d’une fiction historique. Nous présenterons
les photos qu’il aurait pu prendre s’il avait eu un appareil photo, une façon pour nous de dire que l’observation des moeurs et des coutumes se fait par toute forme humaine de transmission : que nous disent par exemple les couvrechefs sur les pratiques sociales ? Emmanuele Enria, qui a pris ces photos, sera là pour les commenter.
 
Doit-on comprendre que, de Fès à l’Afrique, les chemins spirituels et commerciaux étaient les mêmes ?
Tout à fait, et c’est ce que nous essaierons de montrer. Anthropologues, historiens et philosophes questionneront la grande tradition de manuscrits qui ont transité, et continuent de le faire, dans les zaouïas, les sanctuaires de saints et autres lieux culturels dans le Sud marocain et en Afrique subsaharienne.
Nous reviendrons sur la figure d’Amadou Hampâtè Bâ, dont l’oeuvre mêle mysticisme et travail pédagogique de transmission des sagesses anciennes.
 
Comment ces liens ont-ils pu surmonter la barrière linguistique ?
C’est une vraie question. Toute analyse de la situation de savoir et de spiritualité en Afrique – dont Fès a longtemps été une des dépositaires – suppose la prise en compte du pluralisme linguistique des nations d’Afrique. Ce pluralisme est l’incarnation d’une histoire peu archivée, transmise par des textes conservés dans des zaouïas, mais aussi véhiculée oralement selon une pensée nomade qu’il convient d’interroger. C’est une question que nous allons traiter autour d’écrivains et de dramaturges.
Par ailleurs, le directeur de recherches à l’École des hautes études en sciences sociales, connu pour ses études de terrain dans les pays d’Afrique francophone, interviendra sur les traditions orales en Afrique subsaharienne.
 
Quid de la notion de sacré ?
Nous aborderons cette question en présentant l’Institut de formation des prêtres et des pasteurs à Rabat, « Al Mouafaqa », homologué par l’Institut catholique de Paris et la Faculté protestante de Strasbourg. Abdennour Bidar viendra également nous parler de son Plaidoyer pour la fraternité. Il sera aussi question, autour de votre revue, des rapports de l’art au sacré. Enfin, nous évoquerons les rapports de nos sens au sacré avec Alexis Jenni, prix Goncourt pour L’Art français de la guerre, qui signe chez Albin Michel un magnifique hymne aux cinq sens et à leur dimension spirituelle.

« Fès au miroir de l’Afrique » 
Du 23 au 27 mai,
pendant le Festival 
des musiques sacrées du monde.

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