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Frédéric Jousset : « Il faut que tout change pour que rien ne change »

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Avec Frédéric Jousset, le business est un art, et inversement. Cofondateur et coprésident de Webhelp, un leader des centres d’appels et des solutions de relation client présent dans 26 pays, l’homme d’affaires français a racheté en 2016 le magazine Beaux-Arts, qui vient lui-même d’absorber Le Quotidien de l’art. C’est dans un café parisien, pendant la Fiac, que nous avons rencontré cet homme de 47 ans dont la blondeur n’est pas candeur. Affûté comme un micro-processeur nouvelle génération, il maîtrise son sujet, calcule à la vitesse de la lumière et ne perd jamais le fil de son discours. Discuter avec Frédéric Jousset, c’est prendre une leçon de stratégie entrepreneuriale. Le mot d’ordre : sortir l’art contemporain de l’entre-soi !

 

" Vous avez racheté Beaux-Arts magazine l’année dernière : quand on vit soi-même dans cette réalité, c’est toujours étonnant et rassurant de rencontrer des gens qui croient encore dans la presse écrite !

 

Je ne crois pas que la presse écrite soit condamnée, pour peu qu'elle se transforme. Si la presse écrite ne fait rien, elle est condamnée. Pour trois raisons. La première, dans le contexte français que je connais, concerne la distribution. Sur les 23 000 kiosques qui distribuent la presse écrite, environ 200 disparaissent chaque année, donc on perd 2 à 5 % de la distribution. Quand on réduit les points de vente, on réduit les occasions d'achat. La deuxième raison concerne davantage la démographie. On sait que le parc de lecteurs vieillit. Quand on a 20 ans aujourd'hui, on n’achète pas un magazine qui coûte 7 ou 10 euros en kiosque parce qu’on pense pouvoir obtenir la même chose gratuitement sur le web. Enfin, troisième raison, les revenus publicitaires migrent sur le GAFA (acronyme pour Google, Apple, Facebook, Amazon, ndlr), donc on vend moins cher et moins. Face à ces trois effets d'étau, si l’on ne fait rien, dans 15 ans on est mort. Cependant, la presse a des avantages. J'ai racheté Beaux-Arts mais je n'aurais pas racheté l'Express ou le Nouvel Obs. Quand la presse concerne une catégorie économiquement importante comme la culture au sens très large, quand le titre est leader et qu'on a une marque très forte, on peut pivoter, remonter la pente, voire profiter des vents contraires. C'est le pari que je fais. En recapitalisant, en innovant, avec de l'énergie entrepreneuriale, on peut créer une success story. Mes prédécesseurs avait ubérisé la rédaction de Beaux-Arts : une structure permanente très légère et beaucoup de collaborateurs et de pigistes. Mais c'est une entreprise franco-française uniquement centrée sur le print. Mon ambition d'ici cinq ans est de disposer d'une entreprise internationale, online et offline, print et digital. Un groupe qui fasse du média et du hors-média.

 

 

Beaux-Arts a changé de formule en septembre dernier. Est-ce que, pour survivre, un titre culturel doit nécessairement devenir plus grand public ?

Un magazine, comme un vin, peut bien ou mal vieillir. En général ça vieillit plutôt mal, même quand ils sont bons. Les typos Internet ont ringardisé les typos papiers. Il fallait donc revoir le contrat de lecture. J'ai dû affronter un certain scepticisme de la rédaction. Quand on est leader, pourquoi changer une formule qui marche ? Pour ma part, j'aime rappeler cette maxime du prince de Salina dans le film Le Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change. » Il fallait repenser le magazine dans une direction lifestyle. Je suis parti du constat que si l’on additionne ceux qui vont voir des expositions blockbuster et ceux qui vont à la Fiac, 70 000 personnes devraient acheter le magazine par mois. Alors pourquoi ne l’achètent-t-il pas ? Il faut créer des rubriques à l'intersection de l’art et du tourisme, de l’art et de la gastronomie, de l’art et de la mode, de l’art et du design et prendre les lecteurs par la main. 

 

Pari risqué, quand même ! 

Oui, on a pris un risque financier parce qu'on a fait l'inverse de ce que fait la presse. La tendance est à l'allégement du papier, l'abaissement de la pagination et la suppression des rédactions. J’ai fait l'inverse : on est monté en gamme sur le papier, on a fait un lettrage à chaud, de nouvelles rubriques lifestyle et on a ajouté une partie marché de l’art pour remplacer la partie finale qui ressemblait au Pariscope (guide parisien des sorties culturelles, ndlr). Et ça fonctionne ! […] "


Propos recueillis par Meryem Sebti


Article à retrouver intégralement dans le numéro 41 de Diptyk, bientôt en kiosque
 

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