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[Game changer] David Adjaye, éthique et esthétique de l’architecture africaine

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D’origine ghanéenne, il est le premier architecte africain à recevoir la médaille d’or du Royal Institute of British Architecture pour 2021. Sir David Adjaye, fait chevalier par la reine Elisabeth II en 2017, compte parmi les plus influents de sa génération.

David Adjaye est « un outsider par excellence ». L’expression est de Lesley Lokko, le doyen de la Spitzer School of Architecture à New York. Difficile en effet de faire entrer dans une case cet architecte anglais, d’origine ghanéenne et né en Tanzanie, qui travaille aujourd’hui entre New York, Londres et Accra. Le même éclectisme caractérise ses conceptions, des commandes privées aux grands projets institutionnels, en passant par le design d’objets et de mobilier.

Diplômé en 1990 de la South Bank University à Londres, David Adjaye a fait ses armes aux côtés d’architectes de renom comme le Britannique David Chipperfield ou encore le Portugais Eduardo Souto de Moura, avant de créer son propre cabinet en 2000. En 2016, la réalisation du Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaine à Washington marque un tournant monumental dans sa carrière. Véritable prise de position architecturale, le bâtiment en forme de pagode est inspiré des coiffes des statues yoruba, car chez Adjaye, il s’agit toujours de revenir aux origines pour pouvoir construire un avenir « prospère, socialement et environnementalement responsable ». Cette référence aux ethnies de l’Afrique de l’Ouest est un rappel sans détours du passé esclavagiste des États-Unis, qui vient alors renforcer la volonté de reconnaitre et célébrer la contribution de la communauté afro-américaine à la culture du pays.

David Adjaye s’est inspiré des coiffes des statues yoruba pour dessiner le bâtiment du Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaine à Washington.

L’année suivante, l’architecte est décoré par la reine d’Angleterre et désigné par le Time parmi les cent personnes les plus influentes de l’année. Alors qu’il vient de signer une collaboration avec Aston Martin, termine un gratte-ciel à Manhattan, dessine des villas de célébrités ou encore participe à un programme de mentorat pour Rolex, Adjaye reste avant tout un artiste engagé pour qui l’architecture est un gestesocial. C’est certainement l’expérience de son frère paralysé qui lui aura fait prendre conscience très jeune de l’impact que peut avoir l’architecture dans la vie des gens si elle est d’abord pensée pour les servir. Pour lui, « l’impact social de cette discipline a été et continuera d’être la force directrice guidant [ses] pratiques et [ses] expériences ».

Vue intérieure, Mémorial des Martyrs, Niamey, Niger.

Vecteur de lien social et d’égalitarisme, l’architecture répond ici autant aux besoins de l’intime que du collectif. « Créer de l’espace, accomplir le devoir de mémoire, façonner une identité et trouver du sens » sont pour lui des mantras qui le conduisent à signer des projets fondamentaux qui contribuent au développement d’une forme architecturale propre à l’Afrique.

Pour Adjaye, la notion de sens est incontournable car « les bâtiments ne sont pas seulement des espaces que l’on traverse, mais ils structurent profondément notre mental ». En témoignent le Mémorial des martyrs au Niger, la bibliothèque nationale Thabo Mbeki à Johannesburg, du nom de l’ancien président sud-africain qui portait le rêve d’une renaissance africaine, ou encore le projet en cours du Edo Museum of West African Art (EMOWAA) au Nigeria. En rupture avec l’héritage colonial, Adjaye estime que l’Afrique est une « opportunité extraordinaire » et cherche à établir un nouveau paradigme muséal en offrant aux artéfacts exposés un écrin inspiré de la tradition architecturale locale.

Vue virtuelle de l'entrée principale du futur Edo Museum of West African Art (EMOWAA) au Nigeria.

Son approche a toujours été fondée sur un large travail de recherche, renforcé par son héritage multiculturel et ses voyages − Adjaye est fils de diplomate et a grandi dans différents pays. C’est ainsi que, très tôt dans sa carrière, il a lancé une enquête photographique immortalisant le patrimoine architectural de cinquante-quatre villes africaines. En 2019, il signe le premier pavillon de son pays d’origine à la Biennale de Venise, « Ghana Freedom ». Un « accomplissement majeur » pour l’architecte, qui y voit, notamment à travers des artistes comme El Anatsui ou Lynette Yiadom-Boakye, un symbole fort de reconnaissance de la contribution du pays et de sa diaspora à la communauté artistique, mais aussi à une forme d’émergence de l’Afrique dans toute sa force et sa diversité.

Chama Tahiri

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