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Intelligence artificielle, nouvelle frontière de l’art contemporain ?

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Depuis l’invention de la photographie, les progrès techniques ont toujours ravivé le mythe de la mort de l’art. L’essor des intelligences artificielles va-t-il définitivement sonner le tocsin pour les artistes ? Au-delà du caractère récréatif d’outils générateurs d’art comme DALL·E, surgissent les possibilités d’un méta art qui a déjà commencé à pénétrer les plus prestigieuses institutions comme le MoMA ou les maisons de vente aux enchères.

En réfléchissant à un dossier sur les intelligences artificielles, l’idée nous a évidemment traversé l’esprit d’en confier l’écriture à ChatGPT. L’expérience n’a pas été concluante : syntaxe approximative, données contradictoires, réponses vagues aux questions posées… Mais alors, que peut une intelligence artificielle ? La définition courante la caractérise en tant que « recherche de moyens susceptibles de doter les systèmes informatiques de capacités intellectuelles comparables à celles des êtres humains ».

La diversité des ambitions rattachées à cette discipline témoigne des dynamiques qui traversent le champ, entre partisans d’IA autonomes, fonctionnant à peu près comme des cerveaux humains (IA dites « fortes »), et défenseurs d’IA spécialisées, programmées pour exécuter des tâches spécifiques (IA dites « faibles »). Les positions des uns et des autres alimentent un inapaisable débat théorique. À ce jour, seules des IA spécialisées existent. Le parcours menant à d’hypothétiques IA fortes semble encore long et semé de questions morales, philosophiques et techniques.

Vue de l’exposition « Refik Anadol : Unsupervised » au MoMA à New York (19 novembre 2022 – 15 avril 2023). Basée sur une intelligence artificielle, Unsupervised est une installation numérique qui puise dans les données relatives aux oeuvres du MoMA pour générer en temps réel des formes nouvelles. © The Museum of Modern Art. Photo Robert Gerhardt

L’expression « intelligence artificielle » émerge pour la première fois en 1956. Face à un humble auditoire – une vingtaine de personnes tout au plus –, John McCarthy et Marvin Minsky exposent leur programme et donnent ainsi un nom à leur champ de recherche. Une discipline est née. Les deux scientifiques, lauréats de Princeton et de Harvard respectivement, s’intéressent depuis quelques années au potentiel des systèmes informatiques et aspirent à construire des machines dotées de la capacité d’apprendre.

Ils seront bientôt rejoints par d’autres spécialistes. Trois ans après la conférence inaugurale de Dartmouth, ils fondent un laboratoire de recherche en intelligence artificielle au MIT. La même année, l’International Conference on Information Processing, organisée au siège de l’Unesco à Paris, permet de diffuser leurs idées dans toute la vieille Europe.

Initialement réservées au domaine militaire, les intelligences artificielles ont depuis connu de prospères développements et se sont ouvertes aux applications civiles ainsi qu’au grand public. Omniprésentes, les IA sont parfaitement intégrées à des objets du quotidien, de la reconnaissance des visages sur les appareils photo aux voitures à conduite autonome, en passant par les commandes vocales Siri.

Portrait de Rembrandt généré par intelligence artificielle. © The Next Rembrandt.

DALL·E, dessine-moi un mouton

Désormais, elles font aussi de l’art. L’intelligence artificielle DALL·E, de la société OpenAI, créatrice de ChatGPT, génère en quelques secondes des images à la commande, sur la base d’un « prompt » (un court texte décrivant le résultat escompté) fourni par l’utilisateur. Entraînée sur plus de 250 millions d’images, DALL·E, tout comme ses concurrents Midjourney ou Stable Diffusion, peut ainsi produire des photographies fictives, des rendus 3D, des illustrations à la demande ou encore des oeuvres d’art « à la manière de ». Les capacités de « raisonnement visuel » de DALL·E lui permettent non seulement de former des images extrêmement réalistes, mais également respectueuses des règles de composition.

En 2022, le créateur Jason M. Allen remportait le premier prix de la catégorie Arts numériques de la Colorado State Fair avec une oeuvre créée via Midjourney. Si le jury du concours a bien accepté de lui décerner la modique récompense de 300 $ prévue pour cette catégorie, en statuant que l’usage de l’IA ne constituait pas une violation du règlement du concours, d’autres artistes numériques ont eu de réactions de rejet net. « La mort de l’art se déroule sous nos yeux », a commenté l’un d’eux sur Twitter. « C’est nul, pour la même raison que nous ne laissons pas les robots participer aux Jeux olympiques », écrit un autre.

Image du Jardin Majorelle « dans le style de David Hockney » générée par DALL·E.

DALL·E, dessine-moi un mouton

Désormais, elles font aussi de l’art. L’intelligence artificielle DALL·E, de la société OpenAI, créatrice de ChatGPT, génère en quelques secondes des images à la commande, sur la base d’un « prompt » (un court texte décrivant le résultat escompté) fourni par l’utilisateur. Entraînée sur plus de 250 millions d’images, DALL·E, tout comme ses concurrents Midjourney ou Stable Diffusion, peut ainsi produire des photographies fictives, des rendus 3D, des illustrations à la demande ou encore des oeuvres d’art « à la manière de ». Les capacités de « raisonnement visuel » de DALL·E lui permettent non seulement de former des images extrêmement réalistes, mais également respectueuses des règles de composition.

En 2022, le créateur Jason M. Allen remportait le premier prix de la catégorie Arts numériques de la Colorado State Fair avec une oeuvre créée via Midjourney. Si le jury du concours a bien accepté de lui décerner la modique récompense de 300 $ prévue pour cette catégorie, en statuant que l’usage de l’IA ne constituait pas une violation du règlement du concours, d’autres artistes numériques ont eu de réactions de rejet net. « La mort de l’art se déroule sous nos yeux », a commenté l’un d’eux sur Twitter. « C’est nul, pour la même raison que nous ne laissons pas les robots participer aux Jeux olympiques », écrit un autre.

Créé par le collectif français Obvious, le Portrait d’Edmond de Belamy, première oeuvre générée par intelligence artificielle à être vendue aux enchères, s’est envolée jusqu’à 432 500 dollars chez Christie’s le 25 octobre 2018 (impression sur toile, 70 x 70 cm). © Christie’s

Le débat sur le statut de l’art généré par IA n’a pas démarré avec la Colorado State Fair. En 2016 déjà, une IA créée en collaboration avec Microsoft peignait un Rembrandt original en analysant 160 000 fragments de 346 tableaux du peintre. L’oeuvre créée par IA imitait non seulement le style du peintre, mais proposait également un sujet typique.

Les craintes alors formulées portaient sur le risque de voir ces clones présentés comme originaux et vendus par des faussaires qui auront intégré les IA à leur arsenal. Deux ans plus tard, le Portrait d’Edmond de Belamy, du collectif Obvious, raflait 432 500 dollars chez Christie’s, ranimant le débat toujours en cours : les œuvres créées par intelligence artificielle peuvent-elles valablement être considérées comme des oeuvres d’art ?

Réda Zareig

Le phénomène ChatGPT

La plus connue des IA accessibles au public, ChatGPT, a pris le monde de court. Depuis son lancement en novembre 2022, le chatbot créé par OpenAI a rapidement passé la barre des 100 millions d’utilisateurs. Avec ses 175 milliards de paramètres, ChatGPT s’avère capable de disserter sur toutes sortes de sujets, suscitant autant d’émerveillement que d’inquiétudes : biais algorithmiques, vulnérabilité aux présupposés de l’utilisateur, possibilité d’outrepasser les filtres imposés à l’IA pour générer du contenu possiblement nocif ou encore risques de tricherie en milieu scolaire. Les établissements publics de New York ont ainsi récemment bloqué l’accès à ChatGPT après avoir constaté qu’il était massivement utilisé par les élèves pour faire leurs devoirs. La capacité de ChatGPT à produire des textes cohérents présente des désagréments dont les promoteurs de l’IA ont conscience et au sujet desquels les utilisateurs sont avertis : n’ayant aucune notion du vrai ou du faux, ni de discernement du correct et de l’incorrect, ChatGPT peut générer des réponses fausses en recourant à une formulation dénotant un fort  de certitude. Le chatbot d’OpenAI peut également générer des réponses aléatoires et tout à fait contradictoires. Les auteurs d’une étude parue en janvier dernier ont confronté ChatGPT au dilemme du tramway, un dilemme moral où le choix doit être fait entre la mort d’un seul ou de cinq individus. ChatGPT a concurremment présenté des arguments défendant les deux options, chaque fois que la question initiale était légèrement reformulée. Les arguments de ChatGPT, présentés ensuite à 767 personnes comme ceux d’un « conseiller moral », ont eu une influence significative sur leur propre position.

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