Taper pour chercher

A la manière de Vélasquez

Partager

Très remarqué pendant Art Paris Art Fair et «L’Afrique en Capitale» à Rabat, l’artiste franco-tunisien Wahib Chehata explore les mythologies dans ses photographies qui reproduisent le geste de la peinture.

 

Comment en êtes-vous venu à vous inscrire dans une démarche de peintre ?
Tout a commencé avec Black and Light, une série de 1 300 portraits initiée en France en 2010. Les modèles étaient des inconnus, contactés sur Facebook et non sélectionnés, que je découvrais au moment de leur arrivée dans l’atelier, vêtus de noir et de matières non synthétiques – c’était la seule consigne. C’était une sorte de performance, très physique : je me suis maintenu disponible du matin au soir pendant cinq mois, en passant avec chaque personne le temps de dialogue nécessaire à la découverte du point saillant qui me permettrait de la valoriser. La photo – deux clichés pas plus, l’un de face, l’autre de trois quarts – n’était que le geste conclusif de la rencontre. Peu m’importait de restituer leur statut social. Si je leur ai fait porter à tous un collier de plumes qui leur donne une certaine forme de noblesse, c’était pour les inscrire dans une tradition picturale, principalement flamande, à contre courant de ce qui se fait aujourd’hui de virtuel, de désincarné. Par ce procédé, je voulais construire une interrogation : qu’est-ce qu’un portrait dans la peinture ? J’en ai retenu que c’est un travail sur la lumière et sur le temps qui s’arrête tout à coup. On n’est plus face à un être qu’on essaie d’identifier mais face à une œuvre avec laquelle dialoguer. 

 

Que produit cette accumulation de 1 300 portraits ? 

Une fresque. Du beau à l’infini, qui montre la puissance de l’acte de peindre, qui est d’éclairer, d’inscrire un person- nage dans une histoire qui lui échappe et qui m’échappe tout autant. Dans l’art, il y a une sensibilité qui dépasse la compréhension. Ensuite, j’ai réfléchi à comment retraduire ce principe, avec d’autres sujets de peinture : les scènes « Renaissance » au Mali, depuis 2014, et la nature morte depuis 2016. J’y explore la notion des mythologies comme principe de représentation et comme lecture commune à toutes les civilisations. Avec un objet particulier qui est le corps, en partant de Caravage, Vélasquez ou même Bacon, dont je veux questionner et prolonger le geste. L’idée n’est jamais de reproduire mais d’interroger. D’injecter de la peinture là où elle n’existe plus. De trouver le langage de l’universalité, qui chez moi passe par les corps. L’africanité est dépassée. L’Histoire aussi, qui n’a ni début ni fin. 

 

Procédez-vous à un casting de vos modèles ? 

Pas du tout. Ce sont des rencontres, à Bamako et à Garalo, un village perdu dans le sud du Mali, à la frontière de la Côte d’Ivoire, dont le paysage tropical m’évoque la naissance du monde. Pas d’électricité, pas d’eau, aucune mécanique… Je m’y suis installé dans la famille d’un ami, à l’origine sans projet défini. 

Il semble que votre travail relève toujours de la performance ?
Je veux révéler le mouvement, qui est une combinaison de posture, de regard, de souffle, de carnation. Je travaille toujours in situ, en prenant en compte l’ambiance du lieu, avec une seule source de lumière, qui n’est pas posée mais portée, souvent par quelqu’un avec qui je n’ai pas l’habitude de travailler, pour que tout participe de l’instant. La lumière se déplace, les acteurs, moi… Tout bouge en même temps, dans une tension très soutenue. On est tous dedans, corps et âme. 

 

Vous n’utilisez jamais de pied, même pour les portraits et les natures mortes ?
Jamais. Je me projette physiquement, dans les lieux, la scène, la lumière, le format aussi… Et je ne fais qu’une photo ou deux, pas plus. Avec un Canon 5D, qui laisse une vibration, une texture, proches de l’argentique (…)

 

Wahib Chehata, «Présence Commune» (avec Kouka Ntadi), Musée Mohammed-VI, Rabat, jusqu’au 31 juillet 2017. Solo show à A2Z Art Gallery, Paris, à partir du 4 septembre 2017. 

 

 

 

Retrouvez la suite de cet article dans le numéro #39 de Diptyk Mag actuellement en kiosque

Luba woman against watercolor by Dardenne Series: Congo Far West: Retracing Charles Lemaire’s expedition, 2011, Courtesy of the artist and Imane Farès
Luba woman against watercolor by Dardenne Series: Congo Far West: Retracing Charles Lemaire’s expedition, 2011, Courtesy of the artist and Imane Farès
Jacques Majorelle, Les Allamates, Marrakech, Artcurial
Jacques Majorelle, Les Allamates, Marrakech, Artcurial
Mohamed El baz, La prière du père, 2013 ©Galerie l'Atelier 21
Mohamed El baz, La prière du père, 2013 ©Galerie l'Atelier 21
x
seisme maroc

La rédaction de diptyk se joint aux nombreuses voix endolories pour présenter toutes ses condoléances aux familles des victimes du séisme qui a frappé notre pays.

Nos pensées les accompagnent dans cette terrible épreuve.

Comme tout geste compte, voici une sélection d'associations ou d'initiatives auxquelles vous pouvez apporter votre soutien :