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La peinture silencieuse de Djamel Tatah

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Tout au long de l’année, diptyk pousse les portes des ateliers à la rencontre des artistes. En cet automne, c’est Djamel Tatah qui nous reçoit, affairé à préparer une exposition programmée au musée Matisse de Nice. Ses personnages énigmatiques sont actuellement présentés au Centre Pompidou-Metz au sein de l’exposition collective « La répétition ».

Lorsque nous le retrouvons dans son atelier montpelliérain, Djamel Tatah débute une nouvelle série de toiles dont le dessin n’est à ce stade qu’esquissé à la craie. Des figures sont isolées, saisies dans une posture, un bref mouvement ou un geste de tendresse, comme dans ce portrait représentant une femme entourant de ses bras un homme. Inspirée par une photo de l’acteur Gérard Philippe et vraisemblablement de Maria Casarès, la toile s’apparente pour l’artiste à « une Pietà », « une petite scène sentimentale » moderne.

« J’essaye juste d’appartenir à mon temps », nous confie-t-il, en nous invitant à regarder quatre petits formats représentant le visage d’un souffleur, dont le portrait a été inspiré par son ami Abdelkader Benchamma. Ces visages aux bouches toujours closes, à la carnation blanche et légèrement teintée de bleu, au regard perdu, vibrent d’une intensité dramatique universelle. « Mon travail vient de l’intérieur », commente le peintre qui se compare à « un artisan qui se bagarre toujours avec la matière ». « Il ne faut pas que ce soit trop lisse, trop réaliste », ajoute-t-il comme pour préserver le secret de ces visages confondants d’humanité.

Mais cette peinture qui nous semble si familière a surtout médité les leçons de l’abstraction. Le travail de la couleur est ici des plus subtils. Adoptant la technique du all-over, Djamel Tatah évite les couleurs sorties du tube pour privilégier des couleurs rabattues, sources de plus grandes tensions visuelles. « J’aime bien casser la couleur, explique-t-il, en ajoutant un peu de noir » pour tirer davantage vers le gris. L’espace de représentation n’est pas dépourvu de profondeur.

Sur les toiles justement apprêtées, se perçoivent des lignes horizontales ou verticales à partir desquelles le peintre travaille « la structure et la composition » de ses toiles. Il en résulte ce qu’il nomme, dans un franc éclat de rire, « des architectures rationalisées à l’extrême ». Comme la rencontre sur une table de dissection de Rothko, qu’il nous dit admirer, et de Hopper ; quelque part entre l’intensité chromatique de l’expressionnisme abstrait et la solitude du portrait contemporain. « La peinture, conclut Tatah, c’est un langage silencieux » dont la puissance évocatoire continue de nous éblouir.

La rédaction

Djamel Tatah, Sans titre, 2022, huile et cire sur toile, 200 x 200 cm
Djamel Tatah, Sans titre, 2022, huile et cire sur toile, 60 x 80 cm
Djamel Tatah dans son atelier à Montpellier, août 2023. Photo © Franck Couvreur
Djamel Tatah, Sans titre, 2022, huile et cire sur toile, trois panneaux de 250 x 200 cm
Djamel Tatah, Sans titre, 2022, huile et cire sur toile, 140 x 100 cm

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