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La société comme verdict

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Avec « Lumière noire », une nouvelle exposition placée sous le signe de l’oxymore, Mohamed El baz revisite ses classiques, de Franz Kafka à Orson Welles, et intègre la peinture dans ses recherches plastiques.

« Un jour, on vous accuse de quelque chose mais vous ne savez pas de quoi. Vous devez fournir votre crime et le motif de votre accusation », commente Mohamed El baz. L’artiste fait ici référence au Procès de Kafka, adapté par Orson Welles dans un long-métrage dont on retrouve des photogrammes disséminés sur les cimaises de L’Atelier 21. « Malgré cet acharnement à vouloir vivre, tout un système social vous en empêche », poursuit-il, précisant que l’individu est toujours subordonné à une communauté ou à sa famille – une admirabletapisserie, au passage, rend hommage à la mère de l’artiste.

Initiation, photographie et acrylique sur toile, 130 x 200 cm. Courtesy : Mohamed El baz et L'Atelier 21

Comment révéler ces liens ténus qui assujettissent les individus ? Conçue comme la « véritable matrice de l’exposition », la toile L’arbre de vie dessine des ramifications sur lesquelles ont été placées de façon aléatoire des chiffres qui disent le règne de l’arbitraire. Comme dans la dizaine de toiles reproduisant des photogrammes du film de Welles, la peinture sert beaucoup plus à effacer l’image qu’à la révéler. Sans doute Mohamed El bazretrouve-t-il ici le secret alchimique qui fut longtemps celui de l’image photographique et cinématographique, avant sa réduction numérique devenue aujourd’hui la règle. Le titre de l’exposition, « Lumière noire », prolonge cette réflexion, ce spectre ultra-violet qui révèlentselon El baz « la poussière à laquelle se réduit tout homme ». « Révéler l’invisible » semble être le nouveau mantra de celui qui poursuit son travail sur « Bricoler l’incurable », mais en s’attachant à dénouer les verdicts que pose la société sur nos existences, comme est accusé sans raison le héros de Kafka.

Le jugement, photographie et acrylique sur toile 120 x 160 cm, 2019. Courtesy : Mohamed El baz et L'Atelier 21

Un dédale de significations

​« Lumière noire » convoque aussi l’idée d’un « au-delà, d’une expérience quasi médiumnique », que l’on retrouve dans les photographies jalonnant l’exposition. Qu’il s’agisse de ces êtres agenouillés plongeant leur tête dans la terre ou de ces portraits d’étudiants de l’ESAV (École supérieure des arts visuels de Marrakech) torse nu et dont le maquillage outrancier évoque des larmes noires intrigantes, un « rituel initiatique » semble ici avoir lieu mais on ignore lequel. Assurément, l’exposition comporte beaucoup d’idées fortes, mais peine parfois à trouver sa cohérence. À trop vouloir signifier, l’artiste de génie qu’est Mohamed El baz nous perd parfois dans un dédale de significations qui n’est après tout que l’image du labyrinthe administratif dans lequel se perdait Joseph K.

 

Mohamed El Baz, « Lumière noire », L’Atelier 21, Casablanca, jusqu’au 13 avril 2019. 

Black rain, photographie, 100 x 100 cm, 2019. Courtesy : Mohamed El baz et L'Atelier 21
Black rain, photographie, 100 x 100 cm, 2019. Courtesy : Mohamed El baz et L'Atelier 21

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