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LA VIDEO, UN PETIT MARCHE TRES BRANCHE

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Fin mai à Barcelone se tenait la 10e édition de Loop Art Fair, salon dédié à l’art vidéo et point de rencontre des connaisseurs. Le concept ? Un hôtel investi par les galeries, montrant une œuvre projetée dans chaque chambre. Bilan de l’édition avec quelques galeristes.

 

Meryem Sebti et Marie Moignard

 

 

« Nous avons un collectionneur d’art vidéo à Berlin, qui n’éteint pas son lecteur vidéo quand il sort de chez lui ! Il veut que l’oeuvre fasse partie de sa maison… Est ce que vous décrocheriez vos tableaux en sortant de chez vous?! »s’amuse Nina Koidl, co-fondatricede la galerie Campagne Première, avec Henning Weidemann à Berlin. Ainsi sont les collectionneurs d’art vidéo. Et beaucoup d’entre eux s’étaient donné rendez-vous à Barcelone. C’est l’événement phare pour le public averti, le point de rencontre d’un club très fermé, celui des collectionneurs privés et publics pour un médium qui, malgré sa créativité et l’intérêt croissant qu’il suscite, reste encore un marché confidentiel.

Cela tient d’abord à la difficulté de montrer les œuvres. « Peu de galeries ont les moyens de présenter leurs œuvres vidéo. La visibilité demeure réduite, il existe très peu de foires qui mettent en avant ce médium, et les projections vidéo y sont souvent mal présentées. En dehors de Loop et peut-être Moving Image (en mars à New York et Londres en octobre, ndlr), il y a peu de place pour ce médium. Cutlog artfair que je dirige à Paris et à New York propose un cycle de projections et un festival, mais pas un marché dédié à ce médium », signale Bruno Hadjadj, co-directeur de la galerie Spree à Paris avec Roberta Oprandi.

Même son de cloche chez Campagne Première. « Il est difficile de montrer de la vidéo dans une foire classique. C’est pourquoi Loop est si importante. On donne au public la chance de voir de la vidéo dans un environnement optimal : une pièce par galerie dans une chambre noire, où l’on peut s’installer loin du bruit extérieur. Ou presque. D’autres foires comme Rotterdam, réagissent à ce manque en créant une section dédiée à la vidéo ».

En effet, le concept de cette foire est assez unique, « le fait que l´espace principal de Loop soit un hôtel lui confère une personnalité très particulière. Il configure non seulement un espace d´exposition adéquat et économique, mais aussi un espace de relation convivial, qui favorise les échanges et la construction d'une communauté active et fidèle », expliquent Emilio Alvarez et Carlos Durán, commissaires de la foire. 

 

Des réseaux d’acheteurs impénétrables

Mais qui sont les acheteurs d’art vidéo de cette fameuse communauté ? « Les collectionneurs de vidéo ne se montrent pas, il est très difficile de pénétrer leurs réseaux. Ils sont très exigeants et difficiles d'accès », note-t-on chez Spree… En effet, si la vidéo séduit beaucoup le grand public, au point que toutes les grandes expositions et musées en présentent, elle n’entre que très rarement dans les domiciles privés. L’acheteur a souvent des réticences dues au caractère immatériel de l’œuvre, mais aussi à la technicité du medium. « Les collectionneurs à qui j’ai vendu étaient intéressés par tout le dispositif exposé. C’est à dire un micro projecteur qui peut contenir directement le fichier, ainsi qu’un socle en fer fabriqué sur mesure. Nous avons investi dans ce matériel et l’un d’entre eux a été acheté avec deux vidéos », se félicite la galeriste marseillaise Karima Celestin. La galerie Spree propose le même type d’aide à l’achat. « Nous leur donnons l'un des cinq masters dans un coffret particulier, sculpté par l'artiste en forme de galet. Le propriétaire a aussi un autre dvd qui lui permet de visionner le film sans abîmer le master. »

 

Comment ça marche, à la maison ?

Une fois chez soi, comment le collectionneur dispose-t-il de son œuvre vidéo ? « Souvent, sur des écrans plats. Certains ont aussi des bibliothèques de supports vidéos soit sur cassettes, soit sur disques durs », explique Olga Rozenblum, de la galerie Red Shoes.
Chez Campagne Première, « certains l’installent dans leur pièce de vie, comme
n’importe quelle image: au lieu d’un tableau, d’une photo ou d’un dessin sur le mur, le collectionneur met un écran plat avec une image mouvante. Nous recommandons aussi l’Ipad : cela rend une image certes plus petite, mais très belle. D’autres associent leur intérêt pour la video avec leur vie sociale, et invitent leurs amis à des projections privées de leurs nouvelles acquisitions…
 ».

 

Et les ventes dans tout ça ?

Ceux qui vendent de la vidéo le savent : les ventes et les collectionneurs sont aussi subtils que le médium ! « Il est très difficile de leur parler et de les rencontrer, il faut être patient et persévérant. Heureusement pour nos artistes, ils sont plasticiens et ne vivent pas uniquement de leurs productions d'art vidéo ! », témoigne Bruno Hadjaj. Ainsi, si rien n’a été vendu sur la foire, « nous avons eu de nombreuses demandes et nous devons attendre. Les ventes ne se font pas toujours dans l'immédiat. L'un des numéros de la pièce que nous présentons avait déjà été acquis par le MOMA de San Francisco. », confie-t-il encore. De même chez Campagne première, « Meteora déjà été reservée par un musée allemand et un musée espagnol”. Karima Celestin, de son côté, a vendu quelques vidéos et considère l’événement « très encourageant pour une première participation. Pour ma part le travail présenté a attiré des collectionneurs privés. Mais j’ai constaté que les institutions aussi achètent beaucoup ce medium. » Arnaud Deschin de La GAD commente pour sa première venue à une foire d'art contemporain : « j'ai eu la joie de vendre à une collection vidéo. Il s’agit de Cité Radieuse, un autre film de Catalina Niculescu. La secondé édition est en collection privée, un film que j'ai révélé à Marseille lors de la seconde exposition de La GAD en 2010 ».

D’une manière générale, à part les rares acheteurs privés, ce sont les institutions qui alimentent ce petit marché ultra branché. Une œuvre vidéo déjà acquise par un musée séduira davantage un privé, qui sautera le pas en achetant une édition validée par une institution.

La Cage, première version, 1949-1950,bronze, 90,5 x 36,5 x 34 cm
La Cage, première version, 1949-1950,bronze, 90,5 x 36,5 x 34 cm
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