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L’ATELIER DE : NAJIA MEHADJI, LA PEINTURE COMME RYTHME DU CORPS

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Au détour de la route Marrakech-Essaouira, à 15 kilomètres de la ville, un petit chemin conduit vers un dédale de sentiers bordés de murets de pierre. La densité du silence invite à écouter le plus petit frémissement de la nature. Au milieu de nulle part, un portail bleu, une maison blanche et les couleurs vives des bougainvilliers. Des oliviers encerclés de pierres d’un blanc éclatant sous le soleil. C’est là que Najia Mehadji a choisi de vivre sa part marocaine.

(…) Najia Mehadji nous conduit d’un pas déterminé vers son territoire. Il faut marcher un bon moment pour l’atteindre. « J’ai besoin de m’isoler pour travailler », confie-t-elle en souriant avant de s’atteler à ouvrir l’un après l’autre les volets bleus de son atelier. La lumière surgit de toutes parts, s’invite sur les murs blancs et caresse des fleurs géantes sur la toile. «Je ne travaille qu’à la lumière du jour. La lumière d’Essaouira est très pure, presque dure. » Une petite arcade qui mène d’une salle à l’autre, un plafond en bois, une grande mida, des tabourets… (…) Sous le regard, des fleurs et encore des fleurs qui délient sur toile ou sur papier leurs pétales tout en couleurs, sombres ou lumineuses. « J’ai conscience du fait qu’utiliser la fleur comme motif aurait pu me desservir. Mais j’ai voulu lui redonner une importance dans l’art. Rendre hommage aux femmes marocaines qui ont toujours brodé des fleurs. D’autres artistes ont travaillé sur la fleur : Monet, Manet ou l’artiste Georgia dans les années trente. Mais ma façon de me réapproprier la fleur est singulière. C’est un défi. J’ai voulu en faire ce que j’en ai fait : de l’art contemporain. » (…)

Avec le stick, le point peut devenir ligne

« Longtemps, il y a eu beaucoup d’empreintes ; je travaillais rarement directement sur la toile. » Puis la ligne est arrivée, architecturale. « Une géométrie et une abstraction sensibles parce que j’ai tenu à y intégrer l’art islamique à travers les coupoles. J’ai toujours aimé les monuments de l’art islamique. Je trouve qu’au niveau des proportions, il y a quelque chose que le Corbusier a certainement vu. C’est spacieux, mais le corps humain n’est pas écrasé par la monumentalité des lieux.» (…) Lignes droites avec ses séries Mâ, Tem, coupoles et prémisses de rondeurs avec Rhombe, courbes avec les lumineuses Chaosmos qui signent l’apparition du stick comme matière dans la peinture de Najia Mehadji. Une matière à la fois fluide et solide : « Le stick est dans la continuité de mon corps. Avec le stick, on voit la matière qui se donne et s’épuise dans des traits continus, contrairement au pinceau. Le point peut alors se muer en ligne à l’infini. On revient donc au fait que le point contient virtuellement la ligne. » Il contient aussi l’arborescence qui ne tardera pas à surgir. (…) Un végétal tracé à bout de bras et de corps, au rythme d’une respiration sereine. Ainsi naissent les arborescences, la grenade, fruit et ville à la fois. Puis, en 2003, la fleur de grenadier, entre lignes et pleins, annonce les volutes à venir. Des fleurs emblèmes de vie mais aussi de mort, de désagrégation et d’éphémère. « Je pense que la conscience de la mort crée plus de vie. Mon rapport à la vie est très fort parce que j’ai une conscience très forte de la mort. On ne peut aimer la vie si on n’a pas conscience que l’on peut la perdre. » (…)

Sur une malle en raphia, l’artiste nous fait découvrir en avant-première son travail récent, non encore exposé. Après les fleurs noires, les « fleurs rochers » d’une transparence de cristal « parce que la transparence et la lumière m’intéressent avant la couleur », les volutes se font arabesques. Des contraires complémentaires. « La volute, c’est évanescent,   je l’obtiens en peignant en blanc sur un papier noir. En noir sur blanc, le motif est plus présent, rappelle la calligraphie. C’est ce que j’appelle les “arabesques”. Je les travaille au pinceau chinois, très large. C’est un rythme du corps, intérieur, féminin, de la courbe, de la volupté. La calligraphie, dans la tradition, c’est masculin. » (…)

Extraits de « Najia Mehadji,la peinture comme rythme du corps ».Retrouvez le texte intégral sur diptyk n°3, page 58.

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