Taper pour chercher

[Story] Le marché de l’art devient-il fou ?

Partager

Malgré une année marquée par la crise sanitaire, les toiles de jeunes étoiles montantes de la scène afro-américaine s’envolent dans les salles de vente. Quitte à flirter sans complexe avec la spéculation ? Retour sur le cas du jeune artiste Otis Kwame Kye Quaicoe.

Date de naissance : 1990 / Origine : Ghanéenne / Vit et travaille : Oregon, États-Unis/ Style : peinture figurative / 2020 : première exposition américaine et flambée des prix aux enchères.

La recette tient en cinq lignes mais elle est implacable: un jeune artiste africain dans la trentaine, très doué pour les portraits, influencé par l’un des pères de la nouvelle peinture contemporaine africaine comme Kerry James Marshall ou Kehinde Wiley, lancé par une exposition forte à Londres ou aux États-Unis… et la cote flambe. Dans les semaines ou les mois qui suivent, les acquéreurs de la première heure font appel à Phillips, Bonhams, Christie’s ou Sotheby’s, pour faire jouer la concurrence, car cette recette assure, aujourd’hui, une agitation aussi vive que celle des artistes contemporains chinois au début des années 2000.

Otis Kwame Kye Quaicoe Black Stripes on White, signé et daté 'Kwame Kye 19' en bas à droite; signé et daté 'KWAME KYE JUNE 2019' au verso huile sur toile 122 x 91,5 cm (48 x 36 po) Peint en juin 2019. Estimée 20 000 - 30 000 livres sterling ; adjugée 94 500 livres sterling par Phillips, le 20 octobre 2020 à Londres.

Il en va ainsi de l’ascension d’Otis Kwame Kye Quaicoe, dont le destin est lié à la galerie Roberts Projects (Los Angeles), grand défricheur des futures stars de la peinture africaine. Le galeriste a d’abord exposé Amoako Boafo, un météore qui fit couler beaucoup d’encre, suite aux 881.500$ obtenus pour son galop d’essai aux enchères en février 2020. Un prix exorbitant pour une toile de 2019, initialement estimée entre 40.000$ et 65.000$ par Phillips.

Le marchand et collectionneur Stefan Simchowitz avait acquis cette œuvre, intitulée The Lemon Bathing Suit (Le Maillot de bain jaune), pour un peu moins de 25.000$ l’été précédent, auprès de la galerie Jeffrey Deitch, chez qui elle avait été consignée par la galerie Roberts Projects. Une prise de valeur de près de 680.000$ en moins d’un an pour une toile de 2019 laisse perplexe, même si Boafo est encouragé par plusieurs personnalités. Parmi ses soutiens : Kehinde Wiley, artiste surdoué, incontournable depuis sa réalisation du portrait officiel de Barack Obama (2018), fédérateur et prescripteur dans le monde de l’art depuis l’ouverture de sa somptueuse résidence d’artistes Black Rock, à Dakar.

Amoako Boafo, The Lemon Bathing Suit, 2019. Source: Phillips

Au moment où Boafo explosait aux enchères, Roberts Projects accueillait la première exposition personnelle de Quaicoe (Black Like Me) sur le sol américain. Une exposition décrite par Terence Trouillot pour Artforum comme “un ensemble de peintures qui, bien que manifestement redevables au travail coloré et virtuose de Barkley L.Hendricks et Kerry James Marshall, présentent une perspective idiosyncratique sur la culture africaine à travers la célèbre forme de portrait noir” (12 février 2020).

Le style familier et efficace de Quaicoe séduit immédiatement et ses œuvres intègrent d’importantes collections privées. Quelques mois plus tard, le 2 juillet, la société Phillips introduit le jeune artiste aux enchères avec la toile Shade of Black (2018). Estimée 20 000$, elle finit sa course à 250 000 $, malgré le contexte tendu d’une crise sanitaire, dont on aurait pu croire qu’elle assagirait le marché des  jeunes artistes. Six autres toiles se sont présentées aux enchères cette année, toutes vendues au-dessus de leurs estimations hautes, y compris lors d’une importante vente d’art contemporain de Sotheby’s Hong Kong.

Amy Sherald, miss everything (unsuppressed deliverance), 2014, huile sur toile. ©Amy Sherald

Amoako Boafo et Otis Kwame Kye Quaicoe ne sont pas des exemples isolés. Ils incarnent la nouvelle garde de LA tendance (spéculative il est vrai) du moment, dans le sillage de nombreux artistes dont les prix ont grimpé dans une forme d’urgence après avoir intégré de puissantes galeries internationales: David Zwirner pour Kerry James Marshall (depuis 2013), Njideka Akunyili Crosby (2018) et Noah Davis (2020); Hauser & Wirth pour Amy Sherald, Lorna Simpson, Mark Bradford Henry Taylor et Simone Leigh; Gagosian pour Nathaniel Mary Quinn (2019).

Celine Moine avec Artprice.com

Tags:

Vous pouvez aimer aussi

Laisser un commentaire

Your email address will not be published. Required fields are marked *

x
seisme maroc

La rédaction de diptyk se joint aux nombreuses voix endolories pour présenter toutes ses condoléances aux familles des victimes du séisme qui a frappé notre pays.

Nos pensées les accompagnent dans cette terrible épreuve.

Comme tout geste compte, voici une sélection d'associations ou d'initiatives auxquelles vous pouvez apporter votre soutien :