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Le spleen de l’Afrique

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«Poésies africaines» s’annonce comme l’un des temps forts de la 1-54. Entre exploration des identités collectives et révoltes individuelles, l’exposition donnera à voir l’effervescence de la scène marrakchie.

© Larbi_Cherkaoui

Avec « Poésies africaines », le Comptoir des Mines confirme sa position de laboratoire d’art contemporain. La galerie, qui a déplacé à Marrakech le bouillonnement de la scène artistique contemporaine, propose une exposition placée sous le signe du spleen. « L’Afrique n’est pas le continent du rire et de la danse. C’est un continent blessé, qui crée beaucoup d’exclusions et de dogmes. Quand Simon Njami parlait de réenchanter le monde (Biennale de Dakar 2016, ndlr), il voulait aussi dire qu’il était mal en point », remarque Hicham Daoudi. À rebours des clichés et de l’image d’une « Afrique fantasmée pleine de rythmes et de musique », selon l’expression de Simohammed Fettaka, l’idée est de donner à voir les dysfonctionnements et les errements d’un continent qui se prête difficilement à l’essentialisation. « On s’intéresse à l’Afrique pour des raisons essentiellement économiques, mais les gens vivent souvent dans une misère qu’on n’imagine pas. Le Maroc, à côté, c’est la Suisse ! », ajoute l’artiste originaire de Tanger, auquel est consacré l’un des trois solo shows de l’exposition.

Tout comme ses compagnons de fortune, Youness Atbane et Mustapha Akrim, Simohammed Fettaka a conscience d’appartenir à une génération ayant à subir des décisions auxquelles elle n’est que rarement associée. Ces enfants de la mondialisation savent qu’ils vivent dans un monde interconnecté, mais où les enjeux politiques et économiques dépossèdent les citoyens de tout pouvoir décisionnaire. Le projet Water, Maps and Reality que présente Fettaka se veut une réflexion géopolitique sur des enjeux vitaux liés aux problématiques des territoires, des frontières et de la gestion de l’eau. Une photographie tirée d’un atlas colonial confronte ainsi les spectateurs, dont les visages se reflètent à la place de ceux des peuples colonisés, à leurs propres contradictions. Mustapha Akrim lui emboîte le pas avec une installation subvertissant le genre de la nature morte. Une table monumentale remplie de sculptures représentant des animaux morts dit combien les négociations politiques, dont la table serait la métonymie, se font le plus souvent contre les peuples eux-mêmes.

© Simohammed_Fettaka

Pour autant, il ne faut pas réduire cette nouvelle exposition à sa portée polémique. L’inventivité de tout un continent est aussi mise à l’épreuve, aussi bien dans les deux autres solo shows, consacrés à Khalil Nemmaoui et Larbi Cherkaoui, que dans les projets personnels de Youness Atbane et Mohammed Arejdal. Khalil Nemmaoui présente la série Air Twelve Land, composée de neuf photographies de R12 recyclées, roulant au propane et facilitant un transport clandestin sur des routes non goudronnées. Ces « portraits » de voitures, selon les mots du photographe, représentent « l’esprit même du vintage ». Dans une nouvelle série intitulée Le Labyrinthe du sens, Larbi Cherkaoui poursuit une réflexion déjà entamée sur le soufisme en détournant des systèmes informatiques. Youness Atbane prolonge sa réflexion autour de la notion de « musée abandonné » en s’interrogeant sur la problématique de la restitution par l’Occident d’œuvres africaines. Quant à Mohammed Arejdal, on ne connaît pour l’heure que le titre de son projet, Territoires nomades, mais comme le souligne Hicham Daoudi, confiant : « Il est tout entier art. Travailler à ses côtés est déjà une poésie. C’est un être solaire qui invente des choses. » À l’image de tous les artistes ici réunis.

 

«Poésies africaines» avec Simohammed Fettaka, Larbi Cherkaoui, Khalil Nemmaoui, Youness Atbane, Mohamed Arejdal et Mustapha Akrim. Comptoir des Mines de Marrakech, du 21 février au 22 avril 2019.

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