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L’ENFANCE, LE PAYS À RECONQUÉRIR

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Après quinze ans d’absence, Daoud Aoulad Syad revient exposer au pays. Marrakech, ville qui l’a vu grandir l’accueille pour une exposition de vintages et tirages contemporains.

Programmée à l’approche du Festival International du Film de Marrakech, l’exposition « Au Pays de l’Enfance » retrace le développement de son regard de cinéaste maintes fois primé. Bien avant de découvrir en France le génie d’Henri Cartier-Bresson qui suscita sa vocation, c’est dans sa ville natale que Daoud Aoulad Syad se souvient de sa première fascination pour la photographie : « Gosse, les jours de fête, habillé de neuf et avec quelques sous en poche, j’allais place Jemâa el Fna à Marrakech acheter mon portrait, acheter les souvenirs de ces belles journées. Pour moi, [le photographe] c’était un maâlem, un artiste. Lui, sa spécialité, c’était le souvenir… et l’illusion J’ai malheureusement égaré ces photos mais j’ai gardé le souvenir vif de ces instants magiques où j’étais à la fois, moi et l’autre de la photo, place Jemâa el Fna et ailleurs… pour toujours ! »[1] L’enfance du regard donc, plutôt que le sujet éculé de l’innocence.

Innocentes ? Les images de Daoud Aoulad Syad ne le sont jamais. Engagées tant par leur sujet que leur cadrage sans concession d’un Maroc populaire, celui du sud, de l’effervescence des médinas, du Bou Regreg disparu ou des distractions païennes des fêtes foraines. Un Maroc aujourd’hui oublié, mais imprimé dans l’imaginaire de l’enfant qu’était Daoud Aoulad Syad, et aujourd’hui à jamais fixé sur pellicule.

Nathalie Locatelli, fondatrice et directrice de la Galerie 127, a choisi avec soin des tirages vintages (réalisés à la même période que les prises de vues) datant des années 1980-90, des tirages contemporains d’une rare exigence exécutés sous le contrôle de l’artiste, et des inédits : une sélection de cibachromes, une technique de tirage argentique couleur en voie de disparition. Ils révèlent des images que l’on ne soupçonnait pas chez cet amoureux du noir et blanc. Dépassant le photo-reportage humaniste, Aoulad Syad rivalise ici davantage avec le travail quasi-plastique de Harry Gruyaert, photographe belge membre de la célèbre agence Magnum, qui fut le premier contemporain à immortaliser le Maroc en couleur dans les années 1980, à la même époque. Autant de raisons, à l’heure où le numérique envahit aussi bien notre quotidien que les galeries d’art, de venir (re) découvrir ce qu’est un véritable travail de photographie argentique. Il fut un temps où le public marocain décriait cette vision sans fards, celle d’un Maroc d’avant la mondialisation, une éternité loin de l’exotisme, authentique dans sa vérité nue. A l’heure où l’Europe redécouvre le travail photographique de Daoud Aoulad Syad – au festival Photomed de Sanary-sur-mer, au festival Daba Maroc de Bruxelles – il devient nécessaire que le Maroc se ré-approprie ce trésor national, avant son apogée certaine : « les photographies de Daoud Aoulad Syad sont typiquement une œuvre à collectionner d’urgence », conseille Nathalie Locatelli aux amateurs et aux institutions.

Marie Moignard


[1] « Maroc », La Revue Noire, Paris, n° 33-34, 2ème semestre 1999, p.144.

Tikida, janvier 1990 © Daoud Aoulad Syad
Tikida, janvier 1990 © Daoud Aoulad Syad
Les oiseaux, 2014, vidéo HD, 3’59’’ Courtesy de l’artiste et CulturesInterface
Les oiseaux, 2014, vidéo HD, 3’59’’ Courtesy de l’artiste et CulturesInterface
Carlos Aires, Sweet Dreams, 2015, Single Channel Video, 4 min 20
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