Unique au Maghreb, le Musée d’art moderne et contemporain d’Alger est toujours à la recherche de son public, quatre ans après son ouverture. Entretien avec son directeur, Mohammed Djehiche.
Quels sont vos chiffres de fréquentation ?
Mohammed Djehiche : Environ 6 000 à 7 000 visiteurs par mois. Comparé aux musées occidentaux, ce résultat est très faible, mais il est néanmoins encourageant si l’on considère que l’art contemporain est marginal en Algérie. On sauve la mise grâce aux festivals qui nous permettent d’attirer plus de monde, comme le Festival national de la photographie et le Festival international d’art contemporain.
De quel budget dispose le musée ?
Environ 600 000 euros par an. Tel quel, il est insuffisant. Mais le ministère de la Culture nous accorde chaque année une aide financière conséquente pour l’organisation des festivals. C'est ce qui nous permet de maintenir un rythme de quatre expositions par saison, à raison de 200 000 à 400 000 euros par manifestation.
Des travaux sont prévus en 2012. Pour quels changements?
La taille, d’abord. A sa réouverture en 2014, le musée possèdera 10 000 m2 de galeries contre 3 000 m2 actuellement. Il y aura également un centre de documentation qui offrira une base de données sur les artistes algériens, ce qui facilitera le travail des chercheurs qui ne bénéficient aujourd’hui que d’informations parcellaires.
Vous êtes en train de constituer un fonds. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Actuellement, ce fonds comprend des œuvres de M’hamed Issiakhem, Mohamed Louaïl, Moussa Bourdine, Lazhar Hakkar et Rachid Djemai. Grâce aux donations, nous possédons aussi des œuvres du Français Bernard Rancillac, du Chilien Hermosilla Andres et du Péruvien Sergio Silva Cajahuaringa. Nous avons également quelques photographies, un média considéré comme le parent pauvre de l’art en Algérie. Mon souhait, c’est que cette collection donne à voir l’essentiel de la production algérienne, mais qu’elle soit aussi ouverte sur le monde.
Comment se porte le marché algérien de l’art contemporain ?
Il est inexistant. Les acheteurs privés sont rares et les galeries privilégient les œuvres inspirées de l’orientalisme ou de l’École d’Alger. Cette situation est à l’image du système éducatif. A moins d’étudier aux Beaux-Arts où à Mostaganem, la seule université qui possède une filière d’arts plastiques, l’histoire de l’art n’est pas enseignée en Algérie. Entre l’œuvre et le public, il y a donc un grand vide que l’Etat cherche à combler en ouvrant davantage de musées. C’est une politique qu’il faut saluer, mais elle ne peut réussir que si le système éducatif s’y met aussi.
Quelles conséquences cette situation a-t-elle sur le fonctionnement du musée ?
On souffre d’un manque cruel de cadres. En tant que directeur de musée, je suis obligé de m’occuper de tout, de la recherche des œuvres à l’établissement des contrats d’assurance en passant par l’édition des catalogues et la gestion des budgets. Pour répondre aux besoins des musées, l’Etat a créé en 2009 l’Agence algérienne pour le rayonnement de la culture, qui met l’accent sur la formation. Mais il faudra attendre des années avant qu’un personnel qualifié ne soit disponible sur le marché.
Cet entretien a été publié dans diptyk n°12, octobre-novembre 2011.