Jean Lancri pourrait à première vue passer pour un farceur. Or, il n’en est rien. Avec cette seconde exposition à Casablanca, sur le thème du Facteur Cheval, il vient prouver que ludique et philosophique riment à plus d’un égard. Visite accompagnée avec l’artiste.
L’universitaire est un bouillonnement d’homme. Fin des années 50, il a vingt ans, est angliciste et découvre un Paul Klee dans une vitrine de galerie à Londres. Une « rencontre » qui a changé sa vie. L’hommage enjoué qu’il rend au Facteur Cheval avec ce deuxième Cycle de Cheval à Vélo (lire diptyk n°5, p. 14) montre à quel point le théoricien a su garder la spontanéité créatrice des Surréalistes. Avec son œuvre, il offre une vision libertaire de l’amour incarné par un Hermès moderne, non pas ailé, mais à bicyclette. Tout au sacre qu’il voue à la lettre et à l’image, ses scènes sont une invitation à repenser l’absurde et le hasard, à s’émerveiller en déchiffrant ses comptines sybillines. Univers peuplé de filles enjupées, érotiques, qui d’un coup de pied, s’envolent et côtoient les nuées pour mieux donner à fantasmer. Nous devisons autour des embrassades, des amourettes en apparence légères, mais dans le fond, toujours un peu tragiques. Des filles désarticulées, sans queue ni tête, qui rappellent les poupées potelées aux poses dramatiques d’Hans Bellmer. « Il faut ouvrir les lacets des corsets, se méfier des fétichismes qui encagent trop. Laisser la part d’inattendu dans l’œuvre que l’on élabore, sans oublier le format, la grille, le cadre, qui imposent des contraintes. Contraintes pourtant indispensables, sans lesquelles nous n’aurions pas envie de nous évader. »
Graphisme et picturalité.
En guise d’illustration, une trame de fond qui rappelle le quadrillage, le millimétré, produite à grandes couches collées de papier Japon, tarlatane, gaze, feuilles de cahier d’écolier. « Je suis fasciné par le décloisonnement », ajoute-t-il, l’œil rieur. Ses tableaux se lisent comme des contes pour adultes qui auraient décidé de ne pas grandir. Avec des muses initialisées par la lettre M – M comme Aime, nom de sa précédente exposition en 2010 à Casablanca – des figures over-féminisées (Marilyn Monroe ou Marlène Dietrich) qui renvoient en creux à la femme de sa vie (qui porte aussi un prénom avec M en initiale), l’artiste accumule les soubresauts dans cette chromatique de feux d’artifices. Echappons-nous belle…
La rédaction de diptyk se joint aux nombreuses voix endolories pour présenter toutes ses condoléances aux familles des victimes du séisme qui a frappé notre pays.
Nos pensées les accompagnent dans cette terrible épreuve.
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