Aux commandes de la 13e Biennale de Lyon, placée sous les auspices de la « modernité », le curateur Ralph Rugoff a joué la carte de la curiosité et de la simplicité.
Pour Ralph Rugoff, qui dit moderne ne dit pas forcément modernisme. Dans son exposition « La vie moderne », le commissaire de la Hayward Gallery (Londres), invité à penser l’édition 2015 de la Biennale de Lyon, délaisse le prisme académique pour scruter le concept de moderne dans sa relation au contemporain. Puisant ses sources d’inspiration dans le poème Le Peintre de la Vie Moderne de Charles Baudelaire, ou les films Playtime (Jacques Tati) et La Vie Moderne (Raymond Depardon), il a placé la biennale sous le double signe de l’ambiguïté et de l’espièglerie. La tonalité sérieuse cohabite avec l’ironie et l’humour, comme dans la vidéo Rythmasspoetry de Cecilia Bengolea et Jeremy Deller, où l’élite et le populaire se rencontrent. Ce rapprochement citoyen semble d’ailleurs incarner l’espoir, voire l’ambition de Ralph Rugoff pour cette 13e édition.
Le moderne comme terrain d’étude est aussi l’occasion d’explorer les liens entre passé et présent, entre héritage/tradition et nouveauté. À l’instar de l’installation Traditional Repair, Immaterial Injury de Kader Attia, où des agrafes sur un sol en béton symbolisent les cicatrices, nécessaires témoins de blessures qu’il faut accepter et non enfouir dans l’oubli. En 2015, quatre biennales (Sharjah, Venise, Lyon, Göteborg) se sont penchées sur les rapports et la continuité entre histoire, passé, présent et futur – l’un ne pouvant s’écrire sans l’autre. L’ambiguïté, chère à Rugoff, provient de l’impossibilité de fixer un moderne qui oscille entre actuel et révolu.
PROXIMITÉ DE TEMPS ET D’ESPACE
Les artistes invités, dont deux tiers ont produit des créations inédites, témoignent de cette multiplicité du moderne. Leurs oeuvres, exposées sur trois sites (La Sucrière, macLyon, Musée des Confluences), abordent les questions sociales, économiques ou écologiques de notre temps. Nombre d’entre elles évoquent des sujets brûlants, comme la série de dessins T’en fais pas. Et moi je plante des clous, où Massinissa Selmani aborde avec délicatesse la tragédie des migrants. Le monde moderne ne fait pas vraiment rêver, il est parfois dur d’avoir foi en l’avenir, mais les oeuvres présentées n’enfoncent pas le spectateur dans une vision catastrophiste. Contrairement à la Biennale de Venise, le pessimisme n’est pas de mise, et la scénographie a sans doute joué en ce sens (disposition aérée des oeuvres, lumière naturelle, configuration intimiste au macLyon).
par Clelia Coussonnet
« La vie moderne » Biennale de Lyon – La Sucrière, macLyon, Salle 15, Musée des Confluences – jusqu’au 3 janvier 2016.
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