Mohamed Amine Kabbaj, le président de l'évènement de l’événement, fait le bilan d’une édition plébiscitée par tous les publics.
Nous sommes mi-avril, que reste-t-il encore à voir jusqu’à la clôture de la biennale, le 8 mai ?
Il reste l’exposition principale de Reem Fadda. Je rappelle qu’elle contient des pièces importantes qui ont beaucoup voyagé, et à grand frais, comme l’œuvre monumentale d’El Anatsui au Palais Badii pour ne citer que celle-ci. Nous pourrons voir l’oeuvre cinématographique de Adrian Villar Rojas tournée à Marrakech et Tamesloht. La Biennale organise encore quelques conférences, comme celle de Salma Lahlou le 1er mai, de grands événements comme Gérard Rancinan au Jardin Rouge et enfin les Rencontres Awaln’Art qui démarrent le 22 avril avec de nombreux spectacles dans toute la ville.
Pourriez-vous nous donner quelques chiffres-clés de cette édition et nous éclairer les composantes du budget ?
Les quatre premiers jours, la biennale a accueilli près de 10 000 visiteurs, dont plus de 1 000 le jour de l’ouverture. À ce jour, nous avons reçu près de 1 700 élèves des écoles primaires et secondaires de Marrakech et ses environs et nous comptons dépasser les 2 500 d’ici la fin de l’événement. Côté budget, nous avons totalement apuré la situation de l’édition précédente grâce encore une fois à la générosité de la fondatrice de l’événement, Vanessa Branson. Cependant, le budget, qui est de 12 millions de dirhams pour permettre d’atteindre ce niveau d’exigence, et majoritairement collecté au Maroc, n’est pas encore bouclé. La plus grosse part de ce financement émane de la Région Marrakech-Safi (1 million) et de Toyota Maroc (1 million). Les autres sponsors, BMCE, Saham, OCP, Maroc Telecom et l’ONMT, ont donné à égalité 500 000 dirhams. Le ministère de la Culture nous soutient et met les quatre sites les plus importants de la biennale à notre disposition, ainsi que la Fondation nationale des musées qui nous prête le musée de Dar Si Saïd. Sans oublier la municipalité de Marrakech, qui met un certain nombre de sites publics à notre disposition, comme Bank Al-Maghrib à Jamaa El Fna ; la wilaya de Marrakech-Safi ; et les autorités qui ont tout fait pour nous accompagner et assurer la sécurité des visiteurs. Enfin, le ministère des Affaires étrangères et l’administration des Douanes nous ont facilité l’obtention des visas et le passage des œuvres.
Comment évaluez-vous cette année le dialogue entre la biennale et la ville de Marrakech?
C’est une question qui est reposée à chaque édition. La ville de Marrakech est festive, elle apporte son site unique, sa cohabitation sociale et humaine, la richesse de son patrimoine séculaire. Articuler tout cela dans des expositions d’art contemporain reste toujours un défi. L’art contemporain n’est pas encore installé comme un réflexe dans les mentalités de nos concitoyens. Il faut encore, par exemple, travailler sur l’idée que l’art ce n’est pas forcément que de la peinture ou de la sculpture ! Cependant, je constate depuis deux ans que la biennale a gagné de nouveaux publics. Cette année, et c’est une nouveauté de cette édition, nous avons formé de nombreux bénévoles de l’Université Cadi-Ayyad, que vous avez dû voir en T-shirt rouges à l’entrée des sites. Ils n’étaient rémunérés que par des per diem et cela a bien fonctionné. Mais cet important chantier de médiation reste notre grand défi, notamment auprès des guides de la ville qui, pour l’heure, ne sont pas aptes à diriger leur public sur la biennale.
Est-ce que la Biennale de Marrakech est « the place to be » ?
Mais oui ! D’importantes personnalités du monde de l’art ont désormais inscrit la date de la biennale de Marrakech dans leur agenda. Je suis content que nous ayons pu accueillir cette année des galeristes comme Continua, des présidents de biennales (de celle de Dakar, qui démarre juste quand la nôtre s’achève, Köchi en Inde, Montréal au Canada, Göteborg en Suède et bien d’autres), mais aussi des curateurs internationaux ou responsables de grandes foires comme Art Dubai ou Art Basel, ainsi que des collectionneurs.
Il ne faut pas oublier que nous avons consacré une semaine à délocaliser la Biennale à Essaouira.
Quelle est selon vous l’identité de la Biennale de Marrakech par rapport à celle de Dakar, Sharjah, Lyon ou Venise ?
À mon avis, c’est le patrimoine et la multi-culturalité. Le patrimoine à Marrakech n’est pas un décor. J’irais plus loin dans la recherche historique. Qui connaît Juba ? Tinmel ? Ce sont des voies à explorer dans une biennale au Maroc.
Comment fait on vivre la Biennale de Marrakech entre deux éditions ? Deux ans, c’est long !
Par des projets. Nous en avons avec La Havane, la Biennale de Dakar, mais aussi la ville de Cologne. Nous réfléchissons au prochain commissaire. Plusieurs pistes sont avancées : Jérôme Sans, Mouna Mékouar, Omar Berrada, M’barek Bouhchichi…
D’après vous, aujourd’hui, est ce que cet événement est un tremplin pour les artistes ?
C’est un tremplin pour le Maroc, dans un monde aujourd’hui très mouvementé, mais aussi pour les artistes marocains en quête de plateforme locale internationale. Voyez l’œuvre de Fatiha Zemmouri : elle a eu un écho important. Je suis certain que la carrière de cette artiste va connaître un bond formidable.
Mais plus généralement, cette édition apporte un regard pointu sur un regard à travers un thème qui a posé beaucoup de questions. Regardez le catalogue : peu d’artistes occidentaux y sont représentés. Reem a posé un acte qui, qu’on le veuille ou non, est politique. Le thème est un questionnement de notre position actuelle sur un monde en mutation. Si « globalisation » il y a, il faut que le terme « colonisation » disparaisse, et je crois que c’est un des moments forts de cette édition.
Cette année, tous les observateurs s’accordent à dire que la biennale a franchi une étape : d’après vous, à quoi tient ce changement de dimension ?
Ceux qui me connaissent savent que je n’ai aucune prétention. Je pense que le succès de cette édition est un peu une conséquence de l’histoire, ou de mon histoire, avec la biennale et Vanessa ! Cela tient à l’accumulation des progrès des éditions précédentes. Et cela tient aussi au professionnalisme de l’équipe mise en place par Reem Fadda et de notre équipe sur place qui est en train de se mettre en place pour la 7e édition : ce sont tous ces ingrédients qui font la différence.
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