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Orienta : Les territoires imaginaires de l’Oriental

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Pour sa 7ème édition, la manifestation Orienta, organisée dans le cadre du Salon du livre d’Oudja, redessine la cartographie de la ville. Son curateur Azzeddine Abdelouhabi, président du réseau d’art A-48 à l’initiative de l’événement, invite à réfléchir à la notion arbitraire des frontières.

En dépit de plusieurs autres manifestations sportives et culturelles organisées parallèlement, le public se pressait aux différents vernissages de la 7ème manifestation d’Orienta intitulée cette année « Cartographie – Inventaire des mondes ». Un public souvent jeune, curieux que le commissaire d’exposition, conscient des enjeux économico-politiques de la région, avait pris soin d’associer à l’événement, en le faisant participer à l’une des sections de l’exposition, consacrée à la genèse de la musique gharnatie.

Pensé en référence à l’ouvrage cartographique de Charif El Idrissi, Kitab nuzhat al-mushtaq fi ikhtiraq al-afaq, le protocole de l’exposition imagine 7 provinces analogues aux 7 parties du monde dessinées par le cartographe. Le curateur qui reconnaît être « dans l’artisanat de l’art contemporain » a choisi la figure de ce géographe qui a collaboré, au temps des croisades, avec un roi sicilien catholique et donné forme dans son travail à une « picturalité » inédite.

Imad Mansour, Bateau de la mort, 2019, installation moulage en plâtre, encre de Chine sur papier.

UNE HISTOIRE DES ARTS

À une histoire de l’art essentialisée, Azzeddine Abdelouhabi oppose « une histoire des arts » inséparable de la géographie. Une géographie de territoires aussi bien terrestres que mentaux que de nombreux artistes, parmi les 35 participants, ont eu à cœur d’explorer. Nombreux sont originaires de la région et racontent le drame que constitua il y a 25 ans la fermeture des frontières avec l’Algérie voisine. Cette question est notamment abordée dans la section « Cartographie et Histoire », située à l’intérieur de la bibliothèque Charif El Idrissi. Deux installations frappent par leur force plastique : celle de l’Irakien Imad Mansour, Bateau de la mort, où des bustes de plâtre sont entourés d’un linceul de roses naviguant sur des dessins à l’encre de Chine ; celle de Mohamed Rachdi, Frontières, dans laquelle de simples lettres composant le nom du titre flottent désespérément seules dans un immense bac circulaire en aluminium. 

Brahim Bachiri, Artiste halal (artiste licite); 2014, Tampon en néons couleur du drapeau français (bleu, blanc, rouge); 200x200cm.

Parmi les territoires que le public peut arpenter figurent aussi bien des lieux patrimoniaux tels que le lycée Omar Ibn Abdelaziz fondé en 1915, ou les espaces culturels de demain, à l’image de la DG Gallery située dans la Technopole d’Oujda ou du futur Musée archéologique. Dans la première, se trouvent sans doute les œuvres les plus novatrices de la manifestation : de l’installation Obscurum per Obscurium de Frédéric Fourdinier, territoire cosmique fragmenté imaginé à partir d’une photographie de la frontière maroco-algérienne aux Têtes multicolores de la Mauritanienne Amy Sow où des autoportraits aux couleurs vives toient des images empruntées le plus souvent à l’actualité.

Mohamed Rachdi, Frontières, 2019, installation, tôle en aluminium; lettres et eau.

LE CORPS D’UNE FEMME 

Nos deux coups de cœur reviennent cependant à l’hommage rendu par Mohamed Rachdi au pionnier récemment disparu de l’art vidéo au Maroc, Brahim Bachiri, dont les installations iconoclastes s’amusent à déplacer les frontières de l’identité et à l’installation multimédia d’Ali Essafi, Mémoire pétrifiée, située dans l’antre du futur Musée archéologique. En combinant dans un savant montage images d’archives notamment filmiques et photographies réalisées sur le site paléolithique de Figuig, le réalisateur s’intéresse à l’histoire fragmentée de la figuration au Maroc. Le spectateur est invité à revitaliser une mémoire fossilisée ne demandant qu’à renaître. De nombreux documents iconographiques rappellent d’ailleurs que sur nos territoires maghrébins, « la mémoire c’est le corps d’une femme ». À méditer…

 

Olivier Rachet 

Orienta 7, Présences contemporaines d’Oujda, « Cartographie – Inventaire des mondes », jusqu’au 30 novembre 2019.

Programme complet sur www.orienta.ma/site/

Hakim Boulouiz, série Ishtar
Oussama Tabti, Traité d'Amsterdam (détail), 2013, Installation, 250x250cm
El Yazid Kerbache, Traces de la mémoire, 2018, gravure sur papier d'emballage.
Amy Sow, Têtes multicolores, 2019, collage et peinture sur toile
Hafid Badri, Sans coeur, 2019, collage et assemblage sur bois.
Bachir Amal, 2019, Histoires, technique mixte sur sac en papier.
Frédéric Fourdinier, OBSCURUM PER OBSCURIUM, 2019, Acrylique, impression numérique, 250x750 cm
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