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Où en sont les industries culturelles et créatives en Afrique ? Rencontre avec Alain Bidjeck, fondateur du festival Moca

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Lancé en 2016 en France, le festival MOCA (Movement Of Creative Africas) réunit chaque année experts, entrepreneurs africains ou de la diaspora et décideurs politiques pour échanger sur les enjeux des industries culturelles et créatives. Pour sa 8ème édition, il s’installe à Rabat avec au programme dix tables rondes sur l’impact des ICC en Afrique, le rôle des politiques publiques dans le développement du secteur culturel ou sur les défis que représentent la propriété intellectuelle et les nouvelles technologies. Rencontre avec son fondateur, Alain Bidjeck. 

Vous avez fondé le festival Moca pour que soit mieux appréhendé le secteur des industries culturelles et créatives. Cette année, Moca s’installe à Rabat pour débattre des défis spécifiquement africains. Quel est le poids des ICC sur le continent ? 

Selon une étude faite par l’Agence Française de Développement (AFD), reprise par l’UNESCO, les ICC en Afrique et au Moyen-Orient – deux zones géographiques regroupées dans ce rapport –  génèrent 49 milliards de dollars de revenus sur une année (en 2017, ndlr). Mais nous sommes sans aucun doute très en deçà du vrai potentiel de ce secteur. L’une des difficultés quand on essaye de quantifier le poids économique de certaines branches d’activité en Afrique, c’est la part d’informel qui existe dans les différentes filières. La lecture de l’économie africaine est très dure du point de vue des indicateurs existants. Et le domaine culturel n’échappe pas à cette difficulté car beaucoup d’artistes n’ont pas de statut ni de boîte de production. Il y a pourtant une solide production venue des quatre coins du continent et notamment d’Afrique du Sud et du Maroc qui comptent parmi les pays les plus structurés en termes d’industrie culturelle en Afrique.

Au delà des indicateurs chiffrés, il y a d’autres marqueurs importants comme tous ces évènements de la vie qui ont une dimension culturelle mais qui ne sont pas toujours traduits dans les industries culturelles. Prenons un exemple concret :  au Cameroun, les Douala ont une fête qui s’appelle le ngondo. Pendant une semaine, ils célèbrent tous ensemble avec de la musique, de la danse, des arts culinaires, de la mode, des récits. Il y a ici tous les ingrédients d’un festival sans que ce soit qualifié ainsi. Et dans chaque territoire, on retrouve ce patrimoine culturel très peu visible et identifié par l’économie. C’est la partie immergée de l’iceberg qui fait aussi partie de cet énorme potentiel que nous avons évoqué.

 

Au-delà du problème de l’informel, qu’est-ce qui freine, selon vous, la structuration du secteur des industries culturelles et créatives ? 

Au fil des éditions du Moca, nous avons réalisé qu’entre les politiques et les acteurs du secteur, il y a avait très peu de dialogue. Les responsables et concepteurs des politiques culturelles sont souvent déconnectés du terrain. Or, la question se pose : comment créer un cadre juridique et des mesures fiscales qui facilitent l’investissement si on ne connaît ni ne prend en compte les conditions d’émergence des produits culturels ? Il y a un vrai travail de mise en lien à faire. C’est très élémentaire : mettre les gens face-à-face et échanger, cela permet de créer une impulsion. C’est ce que nous avons fait pendant 6 ans en France où Moca a assumé une forme de plaidoyer auprès des décideurs. Le Ministère de la Culture a commencé à mieux prendre en compte le travail des diasporas. Des fonds ont été débloqués pour financer des projets intégrant la diaspora. C’était nouveau.

 

Le digital est un levier important de développement du secteur des ICC. Pendant la 8e édition du Moca, vous allez présenter Iianga, un réseau social pour connecter les entrepreneurs culturels. Quelles sont les ambitions de ce projet ? 

Depuis 20 ans, je travaille sur de nombreux projets en France et en Afrique dans le milieu du cinéma, de la musique, du théâtre, de la danse ou des arts visuels, ce qui m’a permis de mieux comprendre les besoins des acteurs. Pendant le covid, il y a eu un choc. Avec le confinement, il a fallu réfléchir à comment travailler autrement et permettre aux professionnels de continuer à converser ensemble. Internet était le seul moyen d’accès au public et, entre nous, professionnels. Il nous fallait donc imaginer un outil de mise en réseau qui intègre ces contraintes et la dimension digitale. Nous avons commencé à modéliser Iianga qui a vocation à devenir un réseau social pour les acteurs de l’écosystème africain. En plus d’être un réseau social, Iianga est un outil d’information et de commercialisation des compétences. Il permettra de formaliser les transactions souvent informelles qui existent déjà entre les professionnels. Formaliser ces échanges pourra aussi permettre de faire émerger des datas sur les ICC et in fine de mieux lire et appréhender cette économie.

La rédaction

Moca festival, du 18 au 21 mai, Rabat – divers lieux. 
Tout le programme sur : https://le-moca.com/
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