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[Portfolio] Thania Petersen restaure l’héritage de son peuple

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C’est une culture, un peuple et ses légendes que Thania Petersen aborde dans un travail de mise en scène aux frontières du kitsch. Prenant la pose en costume dans des décors décalés, l’artiste sud-africaine évoque son histoire personnelle et celle de sa communauté, issue d’esclaves malais et indonésiens.

Le travail de Thania Petersen aborde des problématiques actuelles souvent traitées trop rapidement par les médias internationaux. Une quête qui prend sa source dans son identité complexe et composite : Thania Petersen appartient à la communauté malaise du Cap, un groupe ethnique sud-africain descendant d’esclaves et de déportés politiques originaires de Malaisie et d’Indonésie, amenés en Afrique du Sud par les Hollandais à partir de 1667.

La question du patrimoine constitue le fil rouge de son travail photo et vidéo, où elle explore l’histoire de sa communauté et son combat pour revendiquer une identité propre. Rejetant l’appellation de « mulâtre », commune en Afrique du Sud, Thania Petersen revendique l’idée que l’individu peut reconquérir son patrimoine culturel, historique et spirituel.

Thania Petersen, Location4: Later District6, série I Am Royal, 2015, 89 x 61 cm Courtesy de l’artiste et Everard Read CIRCA Gallery

La série I Am Royal, qui l’a fait connaître du grand public (elle fait aujourd’hui partie de la collection de la South Africa National Gallery), évoque cet héritage. Thania Petersen s’y met en scène en extérieur, posant telle une reine dans des costumes indonésiens apportés en Afrique du Sud lors de la traite des esclaves, qu’elle est allée chercher à l’ambassade d’Indonésie. Une série où elle part sur les traces de son ancêtre, Tuan Guru, prince de Tidore dans les îles Trinate (Indonésie) et descendant du sultan du Maroc. En 1780, il avait été exilé et emprisonné sur l’île de Robben par les colons hollandais pour des raisons politiques. Connu pour avoir retranscrit de mémoire plusieurs exemplaires du Coran en prison, il est devenu l’imam Abdullah Ibn Qadhu Abdus Salaam, aujourd’hui considéré comme le père de l’islam en Afrique du Sud.

 

Thania Peterson, Location3: Earlier District6, série I Am Royal, 2015, 89 x 61 Courtesy de l’artiste et Everard Read CIRCA Gallery

Si Thania Petersen évoque cet ancêtre, c’est pour contredire l’histoire enseignée à l’école : les peuples déportés en Afrique du Sud n’étaient pas que des esclaves mais aussi des exilés politiques. Faisant corps avec son travail, elle restaure l’héritage de son peuple et sa fierté. Les lieux dans lesquels elle pose retracent le parcours de ces exilés : la porte par laquelle les bateaux sont arrivés (Cape Coast) ou encore l’endroit où les Malais du Cap ont construit une communauté loin de leur patrie (Bo-Kaap). C’est ici que son aïeul avait ouvert la première école et la mosquée pour toutes les ethnies d’Afrique du Sud. Aujourd’hui, c’est une prospère communauté « mixte » qui a contribué de manière significative à la culture sud-africaine.

Thania Petersen, Queen Colonaaiers and her Weapons of Mass Destruction I, 2015, Photo print, Edition de 3, 150 X 225 cm Courtesy de l'artiste et Everard Read CIRCA Gallery

Dans la série Botanical imperialism, c’est évidemment de la colonisation que parle l’artiste, non seulement celle des hommes mais aussi de la nature, des plantes, des animaux. Elle dénonce la destruction d’écosystèmes entiers par l’introduction de végétation exotique pour les besoins de l’agriculture et du capitalisme. Queen Colonaaiers and her Weapons of Mass Destruction est l’une des images les plus marquantes de ce corpus. Thania Petersen commente : « Queen Colonaaiers est la personnification du pouvoir impérial qui entre dans les terres autochtones et aspire tout le bien pour son propre bénéfice, au profit de son royaume. Elle est littéralement assise sur une montagne d’arbres pourris qui ont été plantés le long des vignobles du Cap il y a des siècles pour assécher la terre et la rendre propice à l’agriculture. Aujourd’hui, ces arbres ont causé tant de perturbations dans l’ordre naturel que les pénuries d’eau sont un problème grave, les insectes et les animaux ont disparu de la région et les peuples autochtones et leurs patrimoines ont été complètement effacés du paysage.»

Jeanne Mercier

Thania Petersen, God save our Hedge, 2015, Photo print, Edition de 3 150 X 225 cm Courtesy de l'artiste et Everard Read CIRCA Gallery
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