Approches plus numériques et plus locales
Plutôt que d’opérer dans l’incertitude, d’autres biennales optent au contraire pour la clarté d’une prorogation. Mais elles ont du même coup la responsabilité de créer une exposition qui soit non seulement visitable, mais pertinente après une pandémie et sans doute pendant une période de dépression. « Après ce que nous sommes en train de vivre, on ne peut pas débarquer avec une exposition qui essaie juste de tout oublier, commente El Hadji Malick Ndiaye, le directeur artistique de la Biennale de Dakar qui devait ouvrir fin mai. Mais ça n’aurait pas non plus de sens de concevoir un événement qui ne porterait que sur la pandémie.»
En réalité, on pouvait déjà sentir que la conception des biennales était en train de changer, mais la pandémie pourrait avoir un effet accélérateur en ce sens : les expositions tournent le dos au format conventionnel de la semaine d’ouverture tape-à-l’œil suivie d’une programmation plus indolente dans toute la ville. Pour Sonsbeek, qui depuis 1949 se tenait à intervalles irréguliers à Arnhem, mais suit désormais un calendrier quadriannuel, Bonaventure Ndikung a planifié un programme décentralisé sur quatre ans – un « processus public continu » – où l’expo collective principale sera présentée en permanence, avec en plus des événements satellites dans d’autres pays ainsi qu’un riche volet en ligne qui met l’accent sur la radio.
L’exposition, intitulée « Force Times Distance » (La force fois la distance) – la formule scientifique exprimant le travail –, invitera des projets sur le labeur, les conditions de travail et l’emploi. Durant l’année qui s’écoulera avant l’ouverture retardée de l’exposition physique, Ndikung prévoit des projets audio sur des thèmes que la pandémie a mis sur le devant de la scène : le télétravail, les soignants, quel travail est essentiel. Il établit des partenariats avec des stations radio de différents pays et souhaite diffuser depuis des espaces tels que les salons de coiffure.
L’approche est à la fois plus numérique – un programme de films en ligne sera également renforcé – et plus locale, avec des activités de petite échelle dans de nombreuses villes, dont Arnhem, en collaboration avec des groupes communautaires et des librairies. Toujours est-il, d’après Ndikung, qu’il reste vital de pouvoir rassembler les acteurs internationaux autour de l’exposition principale. « Nous programmons notre biennale comme si tout cela devait finir un jour, conclut-il. Mais même si un vaccin met fin à l’épidémie de Covid-19, on sent bien que les habitudes seront transformées pour toujours. » ✳