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« WATER MUSIC » DANS UNE MÉDINA

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Un jour, un homme est apparu à côté d’une des sept portes de l’ancienne médina de Tétouan. Il a installé un petit tabouret et s’est mis à actionner un étrange appareil. Il s’est fondu dans le paysage, parmi les marchands de légumes, silencieux dans la rumeur de la ville. Est-il un marchand, mais dans ce cas que vend-il ? Peut-être est-il inventeur, mais à quoi peut bien servir sa machine : verre, eau, encre et carton réunis ? Non, c’est certainement un magicien mais quel sort veut-il jeter ?

Avec « Fayd », sa performance montée par l’association Feddane, dans le cadre de l’événement Sept Portes de l’association Tétouan Asmir, Mohamed El Mahdaoui a bousculé la quiétude familière de la médina. A l’aide d’un dispositif de goutte à goutte fabriqué pour l’occasion, l’artiste a voulu dénombrer le flux des gens qui passent par les portes de la Médina. Le faire peinture. « Jadis, Tétouan et ses sept portes étaient comme une maison, un espace que l’on pouvait fermer et ouvrir. Il était possible de connaître le nombre des gens dans la ville en mesurant le flux aux différentes portes. J’ai fait des recherches sur l’histoire de ces portes au XVIIIe siècle, sur le nombre de passages que j’ai convertis en gouttes et j’ai fabriqué de petits récipients en terre d’une contenance correspondant à ce flux d’antan. » Dans ces petits récipients, Mohamed a mis de l’encre en poudre. Pour chaque passage, une goutte tombe dans le récipient. « Bab El Okla est une porte principale. En une demi-heure, le récipient équivalant au nombre de passage au XVIIIe siècle débordait déjà. Il était clair que l’affluence avait explosé et bien entendu la démographie de la ville. Le débordement devant les portes illustre celui de la ville. »

Flux humain à travers l’histoire

Un jour pour chaque porte. Une goutte pour chaque passant. Mais pourquoi ce choix de l’eau pour mesurer le flux des gens ? « J’aime cette idée de transformer chaque corps en goutte, comme si je le liquéfiais, effaçais toute référence à son origine, à sa race, à sa nationalité. J’ai toujours travaillé sur l’eau parce que l’énergie qu’elle porte en elle me fascine, sa transparence, ce pouvoir de prendre la forme de son contenant, et puis sa force purificatrice. Je l’ai intégrée dans ma performance parce que je sais que Tétouan est très liée à l’eau. » « En amazigh, nous explique Bérénice Saliou, commissaire du projet “ Fayd”, le mot Tittawen veut dire laayoune : les yeux mais aussi les sources. A l’origine, la ville a été conçue et construite autour de ses sources.

 Goutte après goutte, l’encrier déborde et sur un rond de carton lui servant de support se dessinent les caprices d’une eau qui sort de ses frontières, traçant des rigoles, à la recherche d’espace. « Ce débordement anarchique, illustre bien celui de Tétouan qui est sorti de ses murs pour prendre des directions serpentines et incontrôlables », nous rappelle l’artiste.

L’art décortiquant le quotidien

La ville à donc quitté son carcan mais les portes sont restées grandes ouvertes. Celle donnant sur le cimetière où s’entremêlent bouquets de myrrhe et prières de recueillement, celle menant à la mosaïque colorée du marché, celle tombée dans l’oubli, la petite permettant plus de proximité et d’échanges, celle réhabilitée par le temps, celle trop grande où l’on reste   anonyme, celle du quartier dit chaud que l’on évite… Les portes trouent le cercle des murailles, elles ne se ressemblent pas. Là, on se presse autour de l’artiste pour lui poser des questions ; là on jette sur son installation un coup d’œil furtif sans s’arrêter ; là, on lui raconte des histoires… de portes. « Les gens étaient surpris d’apprendre que c’était une performance plastique. Pour moi, il est important qu’ils sachent que l’art peut se manifester autrement que par la peinture ou entre les murs d’une galerie. » L’artiste n’est qu’un homme assis parmi les autres, décortiquant le quotidien, le sublimant par son regard neuf. (…)

Un beau jeu d’eaux dédié à la ville et à ses habitants, au flux continu du monde. Et, surtout, une première porte qu’a ouverte l’association Feddan fondée par Bérénice Saliou et Younès Rahmoun, en inauguration du projet « Trankat Street » qui investira la médina de Tétouan au cours de l’année 2010, par des interventions in situ d’artistes du monde entier.

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