Certains critiquent le fait d’associer le rêve à l’Afrique, ce qui pourrait renvoyer à un certain exotisme que l’on attribue souvent au continent…
C’est une remarque qui me surprend d’autant plus qu’il n’existe pas de personne, de peuples qui ne rêvent pas. Cela dit, la question de l’exotisme dépend d’où l’on parle ? Qui parle, qui en juge ? L’exotisme a presque toujours partie liée avec un sentiment de supériorité. Bien entendu, le dominé peut adopter ce point de vue qui dispose de sa culture comme une réserve de curiosités, de fraîcheur, d’énergie. Il se trouve que je suis Africain. En cravate ou en boubou, pour certains, l’Africain est toujours déjà exotique. Son Français, son Anglais, ses expos, ses articles traînent toujours déjà une saveur truffée d’épices, un accent brûlé par le soleil, comme sa peau du reste.
Revenons à la notion de rêve. Je cite souvent le mot de Don Elder Camara, l’ancien archevêque de Recife au Brésil, qui disait : « Lorsqu’on rêve tout seul, ce n’est qu’un rêve alors que lorsqu’on rêve à plusieurs c’est déjà une réalité. L’utopie partagée, c’est le ressort de l’Histoire.” Prête-moi ton rêve, veut contribuer à construire un marché interne pour que nos jeunes artistes ne se calent pas sur les attentes du marché occidental et pour qu’ils se déchargent des essentialisations et des africanités de pacotille. Dans le même temps, ils doivent éviter le mimétisme. Lors de l’édition 2002 de la biennale de Dakar, Ousmane Sow a mis en garde contre la vogue des installations et des vidéos frivoles et superficielles. Il a dit : « il y a des artistes qui pensent qu’il suffit de déposer un morceau de sucre dans une assiette blanche, ou rouge pour dire que c’est de l’art. C’est faux et on doit dire que c’est grave.» Dans Prête-moi ton rêve, il n’y a pas de morceau de sucre dans une assiette.