« 110 ans, 110 oeuvres », une traversée patrimoniale au MMVI

Avant d’inaugurer son nouveau musée courant 2024 à Casablanca, la Société Générale dévoile 110 œuvres de sa collection retraçant l’histoire d’une tradition picturale marocaine, visibilisée par le mécénat privé.

Un cortège, tout de blancs selhams vêtus, à l’extrême déférence, accompagne la sortie du sultan, dans cette remarquable aquarelle signée Mohamed Ben Ali R’bati. Plus loin, l’artiste dépeint une Réception chez un notable, ou un Café dans la médina de Tanger. Ce corpus d’œuvres emblématiques de l’éveil de la tradition picturale figurative ouvre le parcours muséal de « 110 ans, 110 œuvres », dont le commissariat a été assuré par Abdelaziz El Idrissi, Directeur du MMVI.

Sous un intitulé – sans équivoque -, l’exposition, née d’un partenariat entre la Société Générale et la Fondation Nationale des Musées (FNM) ne cache pas son intention. Visible jusqu’en janvier 2024, elle invite à un voyage « intemporel où convergent les époques » et rend un hommage singulier à la tradition de mécénat de l’institution bancaire, à l’occasion de ses 110 ans.

Les 110 œuvres sélectionnées s’inscrivent ainsi dans un parcours « chrono-thématique, renseignant sur l’histoire de l’art marocain, depuis les moments fondateurs jusqu’à nos jours », déclare El Idrissi. Une déambulation à travers les pratiques et les courants artistiques, depuis les années 1950 et leurs premières tentatives picturales, menant à l’époque contemporaine et ses œuvres intégrées dans un contexte mondialisé.

Promouvoir la scène marocaine

Cette riche collection montrant des pièces maîtresses de Chaibia, Hamri, Melehi, Kacimi, Belkahia, Gharbaoui, Labied, Demnati, Bellamine, Ouazzani, Yamou, Darsi, Erruas, Abouelouakar et bien d’autres encore, nous la devons « à une longue histoire de rencontres entre des hommes et des femmes d’exception », résume modestement Ahmed El Yacoubi, président du Directoire de la Société Générale. Une histoire qui débute dans les années 1970, sous l’impulsion de feu M’Hamed Bargach, l’une des figures pionnières de l’institution bancaire, ouvrant ainsi la voie au mécénat par l’acquisition des toutes premières œuvres de la collection. Un élan inaugural largement confirmé par son successeur Abdelaziz Tazi. Ce dernier « a activement œuvré à l’enrichissement progressif de la collection, tout en la faisant rayonner à travers des expositions thématiques annuelles. En résulte un fond artistique d’une grande diversité », précise le commissaire d’exposition.

Si l’institution bancaire invoque un engagement sincère dans la promotion et la diffusion de la créativité marocaine, elle peut également se vanter d’avoir contribuer à « la mise en lumière de nombreux artistes », explique pour sa part Latifa El Amrani, présidente de la Fondation Société Générale Maroc pour la Culture et la société. « Alors qu’il était totalement inconnu du grand public, le président Tazi avait acquis des dizaines d’œuvres de Abdelkebir Rabi. La toute première exposition au Maroc de Mahi Binebine, présentant des œuvres réalisées à quatre mains, avec l’artiste espagnol Miguel Galanda, a été montrée à la Société Générale », précise-t-elle.

Pendant de nombreuses années, le mécénat privé et les expositions qui en ont découlé, ont constitué une réponse à l’absence de musées et d’espaces de diffusion de la création marocaine. Dans cette optique de promotion et de démocratisation de l’art, la FNM conclut désormais des partenariats fructueux avec ces institutions – à l’instar de celle signée avec la Société Générale en cette date anniversaire ou encore quelques années auparavant, en 2021, auprès de Fondation Al Mada et du groupe Attijariwafa Bank, pour une exposition événement sur Gharbaoui (L’Envol des Racines, au MMVI). Des collaborations précieuses qui illustrent le désir de valorisation et de partage du patrimoine culturel national…

Houda Outarahout

« 110 ans – 110 œuvres », jusqu’en janvier 2024 – musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain, Rabat.