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Karim Largou sonde les contours de l’invisible

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Dès les premiers pas dans « l’appartelier » de Karim Largou, comme l’artiste nomme son logement à Bouskoura, nous entrons dans un laboratoire expérimental où la création fuse au gré de l’urgence de s’exprimer. Explorant différents médiums, car « chaque réflexion a un support », les oeuvres s’y dispersent et reflètent la pluralité créatrice du jeune artiste. Exprimée sur papier, toile ou à travers les installations, la préoccupation qui rumine au coeur de son travail est celle de la quête existentielle.

Dans ses réflexions sondant les couches constitutives de l’être, la délicatesse de la composition se heurte à la rudesse du support. État d’âme (2018) – installation interactive dont un fragment a récemment été présenté à la Galerie A.A.A – crée une tension saisissante entre le minimalisme de la conception en fer et la vitalité organique suggérée. La lumière contenue dans la cage thoracique stylisée y devient évocation, allusion à ce qui nous anime et qui reste pour autant impalpable.

Diplômé de l’Institut national des Beaux-Arts (INBA) de Tétouan, Karim Largou, qui est aujourd’hui lui-même enseignant, conçoit le travail en série comme un moyen propice à la déconstruction du corps, afin d’en révéler l’essence dissimulée : « Lorsque je déforme un corps, je lui donne la vraie forme ». Perçant les contours, tels des parois séparant mondes extérieur et intérieur, il cherche à « aller au-delà de ce qu’on voit », à défier la perception et la représentation-même du réel.

Celui qui aime « penser avec le fusain » crée avec Série du Corps (2018) un travail introspectif aux apparences spectrales, débutant par le traçage de sa propre silhouette. Suivant ce geste intuitif, Des Grimaces Incontrôlables (2021) transcrit la virulence des émotions enfouies à travers une éloquence mimique troublante, décomposant les traits dans une tension constante entre portrait et défiguration.

Ses dernières oeuvres approfondissent cette esthétique du fractionnement et regroupent sous le titre Reshaping Nature une série de papiers traduisant la « quête de l’être » par des figures hybrides. Incarnant le lien profond entre l’humain et la nature, elles expriment l’ambivalence entre l’enracinement dans un espace-temps donné et l’indéfectible désir de liberté.

L’intimité du corps s’y révèle par un trait fluctuant, une écriture plastique complétée par les nombreux carnets que Karim Largou remplit de ses croquis et ressentis, tels des journaux intimes. Principe fondateur de sa réflexion, le doute crée la cohésion entre ces oeuvres aussi disparates que déconcertantes, mais non moins complètes, nous révélant l’opacité de l’être.

La rédaction

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