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À 1-54 Londres, le Maroc se positionne

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Avec six galeries et une installation de Amine El Gotaibi dans la Courtyard de la Somerset House, le Maroc affirme sa présence à la 1-54 Londres. Cette 11e édition, tentaculaire, présente le travail de 160 artistes où quelques tendances se dessinent. Visite guidée.

La pluie londonienne ne les aura pas découragés. Au lancement de la 11e édition de la 1-54, jeudi 12 octobre, les amateurs d’art africain déambulaient nombreux dans la Courtyard de la Somerset House où Amine El Gotaibi avait disposé, la veille, les 7 structures en métal de son installation Illuminate The light.

À quelques mètres de là, sur le stand de la MCC gallery, sa fondatrice Fatima-Zohra Bennis déguste calmement son café, entourée des œuvres de Mustapha Azeroual, Yassine Balbzioui et bien sûr Amine El Gotaibi –  ses « trois artistes phares », souligne-t-elle, qu’elle vient défendre à Londres pour la première fois. La tempête est derrière elle, semble-t-il. Elle le reconnaît, « le pari était fou ! » Un challenge logistique tant en termes de production de cette installation monumentale qu’en termes de transport des pièces – 900 kg par caisse – et de coût. Le charme semble pourtant opérer si l’on en croit le nombre de visiteurs qui, intrigués par le dispositif, s’approchent timidement avant de s’installer à l’intérieur des sculptures tapissées de miroirs pour se prendre en photo, jouant joyeusement des effets de réflexions et de lumière.

Y aura-t-il pour autant « un effet Courtyard » sur les ventes ? Une œuvre en laine du plasticien a été acquise, nous confie la galerie le 2e jour, par une collectionneuse qui avait déjà repéré la pièce à Marrakech. La foire à Londres et peut-être la Courtyard auront fini de la convaincre et confirmé son intention d’achat.

Vue de l'installation Illuminate The Light d'Amine El Gotaibi dans la Courtyard de la Somerset House.

6 galeries marocaines

La réputation de la mouture londonienne de 1-54 en fait un passage obligé aux yeux de certaines galeries, ce qui se vérifie par le nombre record de participants cette année – 62 enseignes dont un tiers africaines. Cette présence africaine à Londres révèle en creux une structuration de l’écosystème artistique au niveau local. Jamais autant de galeries marocaines n’ont fait le déplacement : six cette année soit le plus gros effectif parmi les galeries du continent après les Sud-africaines (au nombre de 7). Un très bon signe, selon Touria El Glaoui : « Beaucoup disent que l’Afrique du Sud reste le principal pôle de l’art contemporain africain, ce que je tempère toujours en rappelant que le Maroc se positionne aussi. Qu’il y ait aujourd’hui 6 galeries marocaines l’illustre très bien.»

Outre la MCC Gallery, on retrouve dans les espaces feutrés de la Somerset House la Galerie 38 avec un solo show de Soly Cissé. L’Atelier 21 revient cette année avec des toiles de M’barek Bouhchichi, Omar Mahfoudi, Hako Hankson et Nabil El Makhloufi dont les scènes de foule ont séduit des acheteurs dès le premier jour de la foire. Peu étonnant : « À Art Paris l’an dernier, nous avions fait avec Nabil sold out », confie Nadia Amor, la directrice de la galerie casablancaise. La Loft Art Gallery, qui avait misé avec succès sur un solo show de Amina Agueznay lors de la précédente édition, se renouvelle avec un stand haut en couleurs et de nouvelles toiles de Amina Rezki.

J.K Bruce Vanderpuije, Achimota, School Boxing Clkub, 1933 - Efie Gallery.

Une percée de la photo? 

Des tendances se dessinent-elles dans cette 11e édition ? Si la peinture règne toujours en maître, certaines galeries misent sur le textile : So Art Gallery de Casablanca avec des pièces du Malien Ange Dakouo ou Primo Marella. Croisé sur le stand de celle-ci, le fondateur de la Fondation H à Madagascar Hassanein Hiridjee n’a pas caché son intérêt pour une sculpture faite de chutes de tissus de la Nigériane Ifeoma V. Anyaeji.

Le médium photo reste encore très minoritaire mais quelques pointures se retrouvent ici et là : Zanele Muholi chez Carole Kvasnevski ou Samuel Fosso sur le stand de la galerie Christophe Person qui consacre un solo show au photographe camerounais. La Fondation Montresso* de Marrakech montre au sous-sol, dans un espace tout en longueur qui a dû être difficile à appréhender, les cyanotypes expérimentaux de Hasnae El Ouarga.

C’est d’ailleurs grâce à un stand entièrement dédié à ce médium photographique que La Efie Gallery, basée à Dubaï, marque un grand coup pour sa première participation. Si les grands formats de Aida Muluneh ne créent pas de surprises, ce sont les images prises dans les années 1930 du Ghanéen J.K Bruce Vanderpuije qui interpellent. Non seulement J.K Bruce Vanderpuije vient grossir les rangs des photographes de studio connus mais plus tardifs comme James Barnor, Mama Casset ou Malick Sidibé mais il enrichit, à travers ses chroniques de la vie quotidienne, la compréhension de la période coloniale en Afrique de l’Ouest.

Athi-Patra Ruga, uGanamide, 2023, crayon et encre, 42x29,5 cm.

De cette édition tentaculaire où nous avons vu certains visiteurs se perdre dans le dédale d’espaces et d’escaliers, les amateurs trouveront des valeurs sûres, souvent présentées sur la foire. Avec toutefois plusieurs découvertes comme les portraits mystiques du jeune peintre Josué Comoe chez (S)ITOR ou la belle endormie de Jesse Akele sur le stand de la galerie nigériane DADA – à noter que le Nigéria avec 4 galeries monte assurément en puissance sur la foire.

Mais peut-être faut-il retenir l’impeccable proposition de la Vigo Gallery portée par deux grandes figures de la scène soudanaise : Salah Elmur et Ibrahim El Salahi, maître reconnu du modernisme africain. Une autre petite pépite se cache sur le stand de la galerie WHATIFTHEWORLD:  les dessins à l’encre et aux crayons de Athi-Patra Ruga. Le Sud-africain nous avait habitués à beaucoup de théâtralité dans ses tapisseries ou dans  son travail photographique. Ici, sans se départir de sa palette pop, il gagne en sobriété. À découvrir par soi-même jusqu’à demain soir.

Emmanuelle Outtier

1-54 Londres, Somerset House, du 12 au 15 octobre 2023.

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