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À Bruxelles, Mehdi-Georges Lahlou prend l’Histoire à rebours

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Dans son exposition « Extra », le plasticien franco-marocain parcourt l’histoire contemporaine des discriminations. Une proposition où la photographie se révèle la plus à même de rendre compte de nos « mémoires confuses ».

On ne l’avait pas vu en majesté depuis son exposition au Botanique de Bruxelles, orchestrée par Simon Njami. On le retrouve six ans et une pandémie plus tard à La Centrale, haut lieu de la création engagée curaté par Tania Nasielski, pour le solo show de la maturité. Dans cette ancienne usine tout en longueur, l’artiste franco-hispano-marocain a mis en place non pas des sas de décompression, mais de pressurisation.

Le spectateur s’engage alors dans une scénographie pensée comme une frise anachronique, pour parcourir l’histoire contemporaine des discriminations, depuis la 1ère Guerre Mondiale jusqu’aux faits divers homophobes récents au Maroc.

Vue d'exposition 'extra', CENTRALE hall, 2023.(c) Philippe De Gobert.

Auparavant centré sur sa propre identité, alors activé par ses performances absurdes et douces amères, le travail de Mehdi-Georges Lahlou continue d’explorer la marge mais élargit son propos aux oppressions de masses (raciales, coloniales, homophobes).

On en retient le malicieux Spicy qui ouvre l’exposition en plongeant le spectateur dans le noir total, d’où émergent des écrans vidéo géants. Cette atmosphère pourrait paraitre attrayante si l’artiste n’y suffoquait pas dans un air envahi de curcuma, cannelle, gingembre, henné… Lahlou créé son propre assaisonnement en taclant à la fois l’exotisme éculé des souks à épices, tout en évoquant le gaz moutard, qui fut utilisé durant la guerre du Rif.

Vue d'exposition 'extra', CENTRALE hall, 2023.(c) Philippe De Gobert.

Le politique est, depuis toujours, l’oxygène de l’artiste. Il continue de le prouver plus loin en nous confrontant à son « mur des insultes », qui rappelle l’ambiance froide et inquiétante du mur de Berlin durant les années 80, décennie de toutes les désillusions.

Mais c’est peut-être dans ses photographies qu’il vise le plus juste. Sa série Of the Confused Memory – April 22, 1915 rappelle deux tristes souvenirs : la présence (oubliée) de tirailleurs africains durant la Grande Guerre et la première utilisation du gaz moutarde en Belgique.

Mehdi-Georges Lahlou recouvre ces images d’archives exceptionnelles par de multiples couches de fusain qui accaparent le sujet, symbole d’une mémoire appartenant davantage au registre de la disparition que de la représentation. En nous guidant dans les méandres de ces « mémoires confuses », il laisse infuser en nous la blessure vive du souvenir.

Marie Moignard

Mehdi-Georges Lahlou, « Extra », La Centrale, Bruxelles, jusqu’au 24 septembre 2023.
Vue d'exposition 'extra', CENTRALE hall, 2023.(c) Philippe De Gobert.
Vue d'exposition 'extra', CENTRALE hall, 2023.(c) Philippe De Gobert.
Vue d'exposition 'extra', CENTRALE hall, 2023.(c) Philippe De Gobert.
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