L’exposition « Kourtna » pose un regard neuf et réfléchi sur l’univers du football, quelques mois après l’euphorie qui a accompagné le parcours épique des Lions de l’Atlas lors de la Coupe du Monde au Qatar.
On aurait pu craindre qu’en consacrant une exposition photo au monde du football, le Musée National de la photographie de Rabat ne se contente de surfer sur la vague. Il n’en est rien tant les choix du conservateur, Sofiane Errahoui, qui a pensé l’exposition « Kourtna » de A jusqu’à Z, brillent par leur cohérence. Véritable phénomène de société que des sociologues n’hésitent pas à assimiler à une forme nouvelle de religion, le football réunit sous le regard humaniste de Jamal Mehssani toutes les générations comme en témoigne le cliché choisi en guise d’affiche. « C’est un football solaire, spectaculaire qui nous ressemble », commente le curateur attirant aussi notre attention sur des photos d’une grande pudeur consacrées à des footballeurs non-voyants.
Cette tradition humaniste est perpétuée par l’étoile montante de la photo marocaine, Mourad Fedouache, premier lauréat de l’émission télé « Dream Artist » dont le travail avait déjà été montré à l’inauguration du Musée lors de l’exposition « Sourtna / صورتنا » curatée par Yoriyas, en 2020. Qu’il s’agisse de donner à voir des espaces publics ou privés, le nouveau prodige de la photo réaliste montre avec un certain brio la ferveur qui traverse la société tout entière, à l’image de cette photo conçue en diptyque où l’on voit une femme priant dans une salle isolée tandis qu’un écran de télévision retransmettant un match irradie le salon d’à côté.
L’une des réussites de cette exposition est d’avoir fait le pari de défricher de nouveaux talents sans céder à la facilité de montrer des clichés attendus de street art ou de terrains de foot improvisés sur quelque terrain vague. D’Ilias El Faris, jeune réalisateur plusieurs fois récompensé pour ses courts-métrages, à Youness Hamiddine ayant immortalisé de dos, dans une pose de défi calme, l’une des vedettes de la dernière Coupe du Monde, Azzedine Ounahi, en passant par Achraf Zamane dont les mises en scène quelque peu vintage sont l’une des heureuses découvertes de l’exposition, toute une jeune génération a su profiter de ces moments de ferveur populaire pour faire ses classes.
Reste que l’exposition finit par emporter totalement notre adhésion dans le choix de conclure le parcours par des expérimentations visuelles des plus convaincantes. On aime particulièrement les portraits subversifs et décalés de personnages de Baby-foot de Simohammed Fettaka représentant des personnalités ayant marqué l’humanité, de Platon à Ben Laden, en passant par Bob Marley ou Martin Luther King ; reprises d’une installation bien connue de l’artiste, Only God can play. On apprécie enfin la proposition conceptuelle d’Amine Oulmakki ayant capté l’effet produit par des vibrations d’ondes sonores constituées de cris de supporters répercutés sur une surface aquatique. L’analogie qu’il tisse entre les formes circulaires ainsi créées évoquant tout aussi bien la sphère terrestre que la forme arrondie du ballon est des plus troublantes, comme s’il était peut-être périlleux de jouer aussi avec la Terre. À découvrir assurément !
Olivier Rachet
Contemporary art from Africa and the Arab world Since 2009, published in Casablanca
La rédaction de diptyk se joint aux nombreuses voix endolories pour présenter toutes ses condoléances aux familles des victimes du séisme qui a frappé notre pays.
Nos pensées les accompagnent dans cette terrible épreuve.
Comme tout geste compte, voici une sélection d'associations ou d'initiatives auxquelles vous pouvez apporter votre soutien :
