5 artistes dans nos radars cet été

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Cet été, au fil de nos balades, une nouvelle génération de plasticiens nous a séduits par la maturité des thèmes qu’elle creuse. Thèmes en phase avec des sociétés qui bougent et interrogent, comme le formule l’excellente Marie-Claire Messouma Manlanbien, « L’être, l’autre et l’entre ». Autrement dit, l’identité et ses fluctuations, cette créolisation chère à Edouard Glissant devenu, disons-le clairement, une figure tutélaire pour ces artistes.

Marie-Claire Messouma Manlanbien, performance l'ëtre, l'autre, et l'entre, palais de Tokyo (Paris). (c)Adagp, Paris, 2023. Crédit photo : Quentin Chevrier.

Marie-Claire Messouma Manlanbien

Tissant aussi bien les mots que les textiles, Marie-Claire Messouma Manlanbien donne vie à un univers qui brille par son syncrétisme. S’inscrivant dans une double culture guadeloupéenne et ivoirienne, ses installations murales dessinent un monde composite dans lequel des éléments cosmogoniques Akan, communs aux sociétés matriarcales ghanéenne et ivoirienne, coexistent avec des motifs iconographiques créoles ou égyptiens. Plaçant son travail sous le signe de la « rencontre entre des matériaux industriels tels que l’aluminium, le cuivre et le laiton avec des matériaux naturels tels que la fibre de raphia, la corde, la sève d’arbre et les coquillages », ses œuvres, qui accueillent aussi sculptures et céramiques, mettent en pratique cette « poétique de la relation » chère à Édouard Glissant. Représentée par la galerie Cécile Fakhoury, sa première exposition personnelle en France, « L’être, l’autre et l’entre », est à découvrir jusqu’au 10 septembre 2023, au Palais de Tokyo, à Paris.

Mohammed Alfaraj, I dreamt wings grew from my shoulders, 2022, photographie. Courtesy de l'artiste et galerie Kamel Mennour.

Mohammad Alfaraj 

Originaire de Al-Hassa, en Arabie saoudite, l’artiste pluridisciplinaire Mohammad Alfaraj scrute, dans des œuvres d’une grande diversité plastique, le double effacement d’une Nature édénique et des contes ou légendes appartenant à un patrimoine multiséculaire. Ses travaux naviguent entre des médiums aussi opposés que le carton, des pigments extraits de feuilles de palmier, du fusain sur papier, des vidéos numériques réalisées avec son téléphone portable ou selon la technique du stop-motion. Se définissant comme « un photographe aveugle qui voit pour la première fois », ses propositions témoignent d’un univers social et environnemental en perpétuelle transformation. Après avoir été remarqué lors de la dernière édition de la Biennale de Lyon, il est aujourd’hui représenté par la galerie Kamel Mennour qui lui a consacré récemment son premier solo show en France, The date fruit of knowledge. 

Lassana Sarre

Après des études à la Villa Arson, Lassana Sarre suit actuellement une licence aux Beaux-Arts de Paris. Originaire de Vitry-sur-Seine, il découvre la peinture grâce notamment aux collections du MAC VAL (musée d’art contemporain du Val-de-Marne). Ses portraits, à l’huile ou à l’acrylique, représentent aussi bien des membres de sa famille, originaire du Mali et du Sénégal, que des figures historiques oubliées à l’image du boxeur Battling Siki, premier Africain à avoir remporté le titre de champion du monde de boxe. Lassana Sarre interroge à la fois les thématiques de l’exclusion et de l’ascension sociale à laquelle aspirent tous ceux qui ont à cœur de se battre. La technique de l’effacement à laquelle il a recours dans sa peinture exprime tout autant les difficultés d’intégration que la volonté farouche d’accomplir son destin. Son travail est à découvrir jusqu’au 22 octobre dans l’exposition collective « Après l’éclipse » aux Magasins Généraux de Pantin, en région parisienne.

Crédit photo : Chloe Magdelaine.

Pol Taburet

C’est la coqueluche du moment. À 26 ans à peine, le peintre français d’origine guadeloupéenne, Pol Taburet, se voit consacrer par l’obtention de la première édition du Prix Reiffers Art Initiatives soutenant la jeune création contemporaine. Ses œuvres ont déjà intégré quelques prestigieuses collections dont la Fondation Kadist ou la Pinault Collection. Son univers plastique, spectral et hanté par la métamorphose, est déjà reconnaissable. Habitées par des créatures hybrides à la tête en forme de pointe, ses toiles mettent en scène des dramaturgies intimes influencées tout autant par l’histoire de l’art que par le quimbois guadeloupéen, un ensemble de croyances et de pratiques vaudou. De larges aplats de couleurs souvent vives côtoient des effets plus luminescents produits par une peinture à l’alcool. Frissons garantis ! Son exposition « Opera III : ZOO, ‘The Day of Heaven and Hell’» est à découvrir à l’espace Lafayette Anticipations, à Paris jusqu’au 3 septembre 2023.

Nidhal Chamekh

Le dessinateur tunisien Nidhal Chamekh prépare activement sa prochaine exposition qui inaugurera début décembre le nouvel espace de la galerie Selma Feriani, à Tunis. Après avoir été pensionnaire pendant un an à la Villa Médicis, l’artiste a recentré son travail autour d’une réflexion du poète Édouard Glissant se demandant, dans un discours devenu introuvable, ce qu’il serait advenu de Carthage si la cité n’avait pas été détruite. Menant ses recherches sur plusieurs fronts, aussi bien archéologiques, historiques que liés aux problématiques contemporaines des migrations, l’artiste réalise toute une série de dessins selon une esthétique du montage désormais bien rodée. Des transferts d’images d’archives côtoient des dessins plus classiques, au graphite, d’empereurs ou de divinités romaines ou phéniciennes, dans une tentative passionnante d’étudier comment les formes elles-mêmes migrent d’une civilisation à l’autre. À suivre assurément !

Olivier Rachet