Au-delà du désordre apparent

Mustapha Akrim, No Work, 2012, outils divers, 32 x 180 cm Courtesy de l’artiste et de Younès el-Mardassi © FNM

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Le Musée Mohammed VI offre une carte blanche à Faouzi Laatiris, l’une des plus grandes figures de l’avant-garde. Orchestrée par Morad Montazami, curateur de la Tate Modern, l’exposition « Volumes fugitifs » fait dialoguer l’œuvre de Faouzi Laatiris avec celles des étudiants qui sont passés par son atelier Volume et installation à l’Institut national des beaux-arts de Tétouan. Ils ont pour nom Safaa Erruas, Younès Rahmoun, Mustapha Akrim ou encore Mohssin Harraki.
 

Faouzi Laatiris est un artiste qui ne se trouve jamais où on l’attend. Un homme des ambigüités et de l’équilibre, qui se situe lui-même en orbite de l’histoire et des circuits de production et de diffusion, et qui admet que son travail est le « reflet d’un chaos organisé [qui] porte en lui les éléments du contraire, à la limite de la schizophrénie ». Débrayage de registres. Glissements. Hasard. Brouillage systématique des disciplines de l’art, de la marchandise et de l’anthropologie. Nous l’avions compris, depuis la tonitruante exposition « L’objet désorienté » (1999), Laatiris n’a eu de cesse de déjouer la finalité de l’œuvre artistique, revendiquer la suprématie de la vie sur l’art, et légitimer l’inachevé comme principe du processus de création et condition de « l’œuvre ouverte », des œuvres à venir, comme aurait dit l’écrivain Maurice Blanchot. 

Avant ce baptême officiel au Musée Mohammed VI, Faouzi Laatiris était un mystère que n’estimaient que quelques connaisseurs. Pour comprendre son travail, il a fallu pratiquer les chemins transverses, au croisement de ses différents champs d’intervention. Faire le détour par l’atelier Volume et installation de l’Institut national des Beaux-Arts de Tétouan, où il inocule les principes de son traitement de l’objet depuis 1992. Arpenter le territoire de l’Espace 150 x 295 à Martil, qu’il a conçu comme une base de diffusion indépendante. 

 

Le mystère Laatiris

 

Analyser les œuvres de ses élèves, comme autant d’indices prélevés sur un ensemble plus vaste dont il gardera la structuration à l’état de traces : dessins et croquis où s’exprime une importante élaboration théorique. Mais peut-être faut-il considérer cette discontinuité comme une part importante de la manière dont son œuvre existe. Entre l’art et le savoir-faire, l’art et la société ; entre le visible et l’immatériel. Si l’entre-deux constitue la clé de voûte de son travail artistique, il est également le modèle conceptuel sur lequel le commissaire de l’exposition, Morad Montazami, construit un parcours original qui procède par coupes et montages successifs. 

L’exposition se déploie autour de l’œuvre récente de Faouzi Laatiris Les Sept portes (2016), en référence aux portes de la médina de Tétouan. Sept installations insolites qui explorent la symbolique de la porte – dialectique du seuil et du passage – selon différentes typologies, en remontant aussi loin dans le temps de l’histoire du Maroc que de l’art. Autour d’elles s’articulent et convergent les œuvres de deux générations d’artistes : Mohamed Larbi Rahhali, Safaa Erruas, Younès Rahmoun et Batoul S’Himi pour les années 1990, et Mohssin Harraki, Mohamed Arejdal, Mustapha Akrim, Etayeb Nadif, Khalid el-Bastrioui dans les années 2000. 

 

Quelque chose de dada

 

Ce dispositif de monstration a ses vertiges, sa poétique, ses tentations de subversion et d’hybridation. Le titre même de l’exposition « Volumes fugitifs » renvoie à l’idée de mobilité formelle et de contamination esthétique. On en voudra pour preuve les tabourets de Khalid el Bastrioui aux couleurs primaires, dont la dissémination spatiale invite le visiteur à construire son parcours spontanément, rechercher les relations internes entre les œuvres, dans un libre jeu des possibles où il participe de manière active à (re)composer une histoire rhizomatique et collective de l’atelier Volume et installation.

 

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Vous pouvez lire la suite de cet article dans le numéro #34 de Diptyk Mag
 

« Volumes fugitifs », exposition au MMVI, Rabat, jusqu’au 30 août 2016,
et ouvrage chez Kulte Editions.

Un article d'Atika Fikri

Anwar al-nujum (détail) © Emmanuelle Outtier
Faouzi Laatiris, Les Sept Portes, Porte Lumières, 2016, 3 x 5 m. Structure en fer, verres en plastique, verre et anneaux Courtesy de l’artiste © Emmanuelle Outtier
Raphaël Durans, Maquette n°401 © Galerie Fatma Jellal
La bibliothèque d'Ahmed Bouanani curatée par Omar Berrada de Dar al-Mamoun
Mustapha Akrim, Musée des ouvriers (Chambre 1), 2016, objets, socles et matériaux divers, dimensions variables Courtesy de l’artiste © FNM
Batoul S’himi, Monde sous pression, 2016, bouteilles de gaz, cocottes et cafetières, peinture noire et orange, fils en plastique et filet de pêche brodé, dimensions variables Courtesy de l’artiste © FNM
Faouzi Laatiris, Les Sept Portes, Porte des Portes (détail), 2016, structure en fer, sculptures domestiques, objets en argile, théières et lance-parfums modifiés, 12 livres Courtesy de l’artiste © FNM
Faouzi Laatiris, Les Sept Portes, Porte Farracha, (détail) Courtesy de l’artiste © Emmanuelle Outtier
Faouzi Laatiris, Cibles, (détail Porte Farracha), 2013, sérigraphie sur miroir Courtesy de l’artiste © FNM
Mohssin Harraki, Anwar al-nujum 00, 02, 03, 00, 2015, tiges de fer et écriture sur pierres, sérigraphie sur verre, dimensions variables Courtesy de l’artiste et de la galerie Imane Farès, Paris © FNM
Détail de l'installation in situ "Le conte des contes", matériaux et dimensions variables, 2013 © Eva Spierenburg et courtesy du Cube
Détail de l'installation in situ "Le conte des contes", matériaux et dimensions variables, 2013 © Eva Spierenburg et courtesy du Cube