Dossier : Que peut une biennale face au monde ?

Bruce nauman, Human nature / Life death / Knows Doesn’t Know, 1983, néon

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Sous l’impulsion du commissaire américano-nigérian Okwui Enwezor, l’exposition centrale de la Biennale de Venise se fait plus universelle. « All the world’s future » fait entendre toutes les voix et donne une vision plus juste du monde. Plus sombre aussi.

Que peut une biennale face au monde ? L’ambition réaliste d’Okwui Enwezor consiste d’abord à le raconter. « Les mots comptent. Cette exposition est une narration », martèle le commissaire de « All the world’s futures », qui a brillamment réuni 136 artistes de 53 pays dans le Pavillon central des Giardini et à l’Arsenale. Peu importe par où vous déciderez de commencer votre visite – un dilemme récurrent de biennale en biennale ! –, ce sont des mots qui vous accueilleront. Les néons bleus de Glenn Ligon dans la partie Giardini, qui se veut plus méditative, ou ceux de Bruce Nauman dans la partie Arsenale, qui se veut plus intense.

Si l’équilibre est généralement difficile à tenir entre ces deux espaces, la scénographie élégante de David Adjaye permet d’en tirer le meilleur parti. À l’Arsenale, il use d’une palette très minimaliste, entre noir, blanc et camaïeu de gris. Un langage graphique que l’on retrouve dans l’Arène qu’il a architecturée au milieu du Pavillon central et qui est le théâtre permanent de joutes verbales ou musicales. 


« Créez votre propre sens ! »

Dans cet écrin sobre, la première impression est celle d’une exposition formellement très belle. Et puisqu’il faut bien commencer quelque part – le commissaire nous y encourage : « Suivez votre propre chemin, créez votre propre sens ! » –  on démarre par l’Arsenale, plus spectaculaire, qui fait alterner gigantesques installations occupant des salles entières, importants dispositifs vidéos et dessins fragiles et délicats.

Ici, le souffle est souvent coupé et l’on ressent l’intensité voulue par Okwui Enwezor. L’entrée majestueuse déploie une série d’œuvres monumentales, comme les sculptures sonores silencieuses de Terry Adkins ou les éléments de théâtre traditionnel de Qiu Zhijie. Pendant tout le parcours, il faudra être attentif, car dans ce que Okwui Enwezor a réuni, la plupart des œuvres disposent d’une force singulière.

On y parle beaucoup de guerres, sur des tons et dans des formes très différentes. Toujours à l’entrée, les bouquets de machettes d’Adel Abdessemed sont éloquents. L’impressionnante collection de dessins d’Abu Bakarr Mansaray fourmille de détails et de descriptions, rehaussés d’un rouge sang. Certaines inventions caustiques de l’artiste pourraient prêter à sourire, mais on n’ose pas vraiment. Plutôt glacé, on se dit que la Guerre du Sierra Leone à laquelle ces massaka font référence a largement démontré les capacités de l’être humain à surenchérir dans l’horreur. (…)

Olivia Marsaud, Marie Moignard et Syham Weigant

Vous pouvez lire la suite de cet article dans le Diptyk magazine numéro #29