REMED, L’ESPRIT DU TRAIT

REMED, avide de grands espaces, devant une de ses fresques murales dans le désert d’Australie.

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Tour à tour peintre, sculpteur, le street artiste pousse toujours plus loin les limites de l’art. Sa deuxième exposition personnelle chez David Bloch a été conçue lors d’une résidence dans la Ville Rouge. Un voyage méditatif de la pensée et du pinceau. 

FOUZIA MAROUF

La voix est lente et soyeuse, ponctuée au passage d’une spirale de mots se dessinant dans un sourire. Guillaume Alby, alias Remed, fidèle poulain de la galerie David Bloch, se raconte dans un élan spontané, dénué de longs discours. Comme son art : direct, impactant, intriguant. « Marrakech m’inspire car elle est kaléidoscopique : la texture de ses murs, le rapport au temps en suspens, la géométrie divine et la culture de la répétition des zelliges me fascinent. Chaque élément qui y vit est organique au point de créer un mythe ». Chaque soir offre à l’ouvrage encore vierge de cet artiste un brin mystique un spectacle inconnu, né de la rumeur marrakchie : « Je commence par un symbole, ignorant si le caractère méditatif du pinceau me portera vers un visage, un personnage, ou une courbe ».

Déjà en 2011, ses travaux au style singulier fleurissaient l’espace de la galerie dans l’exposition collective « Hall of Fame ». En cette fin 2014, son exposition personnelle « Essence » a pris corps en temps réel lors d’une résidence au cœur de la cité ocre. Interviewé au plus fort de cette nouvelle création, Remed avoue être particulièrement sensible au milieu ambiant : « Je peins la nuit, face au crépitement du feu. La journée, j’ai pour compagnie le chant des oiseaux et le bouillonnement diffus de la médina ». Habité par l’harmonie et la courbe du geste, Remed mêle dessin, calligraphie, sculpture… A 36 ans, cet artiste français originaire de Lille et vivant à Madrid affiche une foisonnante production de fresques murales et d’expositions ayant pour toile de fond des cités aux venelles sombres et décadentes telles que Sao Paulo, Johannesburg, Marseille. Au Maroc, il a récemment investi Casablanca avec une fresque monumentale sur le boulevard Hassan II (commandée pour le programme artistique du festival L’Boulevard 2014). Aujourd’hui à Marrakech, où il avait déjà réalisé une fresque (lieu date et référence), il revient pour habiter la ville plus en profondeur : « J’aime m’imprégner de l’histoire d’un lieu lorsque j’y crée. La cosmogonie pique d’emblée ma curiosité. Un lieu s’inscrit avant tout dans une mémoire. »

Manipulant, triturant, transformant des matériaux comme la craie, la terre, le fer, auxquels il attribue une valeur symbolique, il redéfinit des compositions parfois insolites. Riches de représentations, ses travaux reposent principalement sur la simplicité, car « peu de personnes passent assez de temps face à une œuvre pour la déchiffrer », constate-t-il.

Remed se nourrissant aussi de rencontres humaines, sa résidence au Maroc l’a naturellement amené à travailler aux côtés d’une famille de ferronniers vivant dans la médina. Sa volonté ? Instiller l’essence artistique de cette technique autour de son projet de sculpture, à découvrir lors de cette exposition. Implication, artisanat, symbole : tels sont les mots- clés qui entourent l’œuvre de Remed, marquée par son goût immodéré pour la peinture. Tel un conteur profondément ancré dans l’humain, Remed continue de tracer les lignes d’une dynamique insoupçonnée, à la lumière de sa gestuelle inspirée. 

« Essence »

REMED, David Bloch Gallery, Marrakech, du 19 décembre 2014 au 18 janvier 2015. 

REMED WIP MARRAKECH 2014
Restauration des fresques en bois au Musée Nejjarine © Fabrice Coiffard pour DIPTYK