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[Books and days] Vrai ou faux Caravage : l’enquête de Patrick Bonazza

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C’est une histoire rocambolesque que nous relate le journaliste Patrick Bonazza dans L’incroyable affaire Caravage. Celle d’une vente aux enchères historique, à la Halle aux grains de Toulouse, le 27 juin 2019, annulée au dernier moment, au grand dam de tous les médias étrangers ayant fait alors le déplacement. Celle surtout d’un tableau dont on avait perdu la trace, Judith et Holopherne, retrouvé par le plus grand des hasards dans un grenier toulousain. Caravage l’aurait peint en 1607, à Naples. L’auteur commence, de façon relativement convaincante, par battre en brèche quelques idées stéréotypées concernant la personnalité ô combien tumultueuse du peintre lombard – assassin récidiviste, voyou, marginal attiré par les prostitués des bas-fonds –, pour montrer qu’il sut au contraire tirer en permanence partie de protections diverses. « Célébré et admiré, écrit ainsi Bonazza, il voyait son aura s’étendre bien au-delà de Rome. Rien à voir avec la figure du peintre maudit que l’on voudrait nous faire avaler. » 

Commence alors un récit palpitant qui voit le commissaire-priseur Marc Labarbe, accompagné du cabinet d’expertise Turquin, tenter d’authentifier le tableau afin d’en organiser la vente. « L’authentification d’un tableau, avertit le narrateur, n’est pas une science exacte. » Comment cette version réputée perdue de Judith et Holopherne s’est-elle retrouvée dans ce grenier toulousain ? N’a-t-elle pas été plutôt réalisée par le peintre flamand Finson, ami du Caravage et connu pour avoir peint en 1607 une copie de la première version du tableau? Autant de questions insolubles requérant les avis d’experts en tout genre. Historiens de l’art, directeurs et conservateurs de musées sont mis à contribution, mais leurs expertises se suivent et ne se ressemblent pas ! La science est alors appelée « à la rescousse », et à l’aide de radiographies et autres infrarouges, des « éléments techniques significatifs » apparaîtront, mais suffisent-ils à authentifier une toile qui, à l’instar de la plupart de celles réalisées par Caravage, n’est pas signée ?

Véritable plongée dans le milieu mal connu des experts et des commissaires-priseurs, L’incroyable affaire Caravage invite le lecteur à réfléchir à la frontière souvent ténue séparant un artiste d’un faussaire, une œuvre d’art authentique de ce qui pourrait parfois en être la lumineuse copie. Avec en toile de fond, l’idée défendue en son temps par l’historien de l’art Roberto Longhi, spécialiste du Caravage, que seule « la souveraineté de l’œil » est à même de démêler le vrai du faux.

L’incroyable affaire Caravage de Patrick Bonazza, éditions Privat, p.225, parution février 2020, 250 dhs

Olivier Rachet

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