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[Books & Days] Renaissance, un manifeste réussi sur l’éternel féminin

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Renaissance. Le titre du dernier livre de la photographe d’origine camerounaise, Angèle Etoundi Essamba, résonne étrangement désormais. Cette récente publication l’invite aujourd’hui à s’interroger, en ces temps qu’elle qualifie de « catastrophe », sur la place de l’artiste dans la société : « Nous vivons une période inédite où tous nos repères en tant qu’artistes sont chamboulés. »

Sans doute est-ce une même conscience des catastrophes passées qui ont été à l’origine de son nouveau projet ? En privilégiant le format du portrait, cette photographe humaniste entend redorer le blason des femmes africaines qu’elle habille avec les tenues de la noblesse flamande, peintes en leur temps par Rembrandt ou Frans Hals. Fraises, dentelles, collerettes viennent rehausser les portraits de femmes rencontrées au Sénégal, au Bénin et dans l’État de Bahia au Brésil ; trois territoires qui ont en partage une même histoire de l’esclavage et de la colonisation, française ou portugaise.

Angèle Etoundi Essamba, Jeune fille à l’œillet. © 2019 - Angèle Etoundi Essamba

Un simple montage, en ouverture, suffit à définir l’enjeu de ce livre que Simon Njami, l’un des contributeurs, assimile à un « manifeste » en l’honneur de « l’éternel féminin » : deux clichés montrent successivement, en un cadrage volontairement resserré, le cou enchaîné d’une femme noire et un autre arborant une collerette blanche. « Le traitement en noir et blanc n’est pas neutre, commente Simon Njami. Il apparaît comme une étude sur le clair-obscur (cher aux maîtres hollandais qui ne sont pas étrangers à ce travail) et métaphorise les notions de Bien et de Mal. »

Cette subversion des codes vestimentaires du Siècle d’or néerlandais se décline dans deux autres séries plus lyriques où des couleurs chatoyantes se substituent au noir et blanc initial. Les attributs de la noblesse flamande cèdent la place à des habits plus traditionnels : ceux notamment du candomblé, du nom d’un rituel de possession pratiqué à Bahia, considéré comme l’avatar d’un ancien culte africain et qui confèrent aux femmes portraiturés « une noblesse africaine retrouvée », selon les mots de la préfacière Mirjam Westen.

Angèle Etoundi Essamba, Clins d’œil. © 2019 - Angèle Etoundi Essamba

De son côté, Ousseynou Wade, ancien représentant de la Biennale de Dakar, célèbre dans un texte inspiré le lien qui unit les modèles du temps présent avec leurs ancêtres : « La collerette en tissu imprimé arborée par les femmes, commente-t-il, a remplacé la fraise classique et rappelle une époque lointaine, celle des signares de Gorée ou de Saint-Louis, ces femmes noires ou métisses connues pour leur beauté, leur coquetterie légendaire et leur influence de par leur rang social. »

Quand beauté rime avec résilience, la photographie humaniste est sans doute annonciatrice de renaissances toujours possibles, aussi bien sur le plan des formes que des valeurs. Aux catastrophes succède un renouveau. De cette même artiste, nous vous recommandons d’autres ouvrages tels que Visages du Sénégal, Women of the Water, Voiles et Dévoilements, publié par l’UNESCO en 2006 à l’occasion de la Journée Internationale des Femmes ou Dialogues ; Au-delà des mots. 

Angèle Etoundi Essamba, Renaissance, éditions Essamba art, p.196, 520 dhs.

Olivier Rachet

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