Taper pour chercher

De l’art pas très orthodoxe

Partager

Où se trouve l’art subversif aujourd’hui ? A quoi ressemble-t-il ? L’exposition «Unorthodox», actuellement présentée à New York, se pose en marge de la norme pour tenter de répondre à ces questions.


Elles sont insolites, excentriques, voire dérangeantes… Les quelque 200 œuvres réunies au Jewish Museum ont en commun d’échapper aux normes établies. Ensemble, elles forment une tentative de réponse aux questions qui taraudent les curateurs Jens Hoffman, Daniel S. Palmer et Kelly Taxter : « Quel art défie aujourd’hui les injonctions du monde de l’art ? Où se trouve-t-il et à quoi ressemble-t-il ? ». Le livret de l’exposition, dont plusieurs exemplaires sont empilés à l’entrée comme une installation, décrit l’ambition des curateurs et propose une explication pour le moins éthérée : « Unorthodox » se définit par la négative, par tout ce qui n’est pas dans la doxa. Interrogée sur le choix de ce titre, Kelly Taxter souligne que c’est d’abord un tendre jeu de mots : « Il ne s’agit pas d’une critique de l’orthodoxie religieuse juive, mais d’une curiosité pour ce qui s’oppose à l’ensemble des orthodoxies, culturelle, sociale, et politique ». 

 

Le corpus des œuvres sélectionnées ressemble à du folk art, avec des références à l’artisanat et un intérêt pour les techniques inhabituelles. « Unorthodox » déploie une série de propositions créant un dialogue entre des œuvres qui interpellent et surprennent. Au début du parcours, une vidéo de Valeska Gert, The Baby, montre l’artiste imitant les cris d’un enfant qui pleure. Le visage grimaçant passe en boucle et l’on hésite entre le rire et l’irritation. Puis une série de visages en terre, amorphes, s’imposent immédiatement et captent l’attention. Ce sont les Ten works : Jugheads de Clayton Bailey. 
 

L’espace est dense, les œuvres sont partout. Leur proximité permet d’étreindre l’unité du thème. Elles vous guettent et s’assurent que vous êtes bien présent, et que vous osez l’aventure, au-delà du bon goût. Rédigés par Jens Hoffmann, quatorze textes irriguent l’exposition, un fil rouge qui passe de pièce en pièce et permet de se mettre en abyme dans cette série de propositions. Où le visiteur se situe-t-il dans cette conversation ? C’est dans ce qui nous dérange que l’on sait qui l’on est, lit-on dans la vignette « Taste ». Si l’on pense que notre « bon goût » fait notre identité, c’est en réalité au-delà de ce que l’on juge beau que l’on va à la rencontre de soi et que notre véritable identité fait surface.
 

Transgression, vraiment ?


Parmi les 54 artistes présentés, on retrouve la jeune Marocaine Meriem Bennani. Elle a été remarquée par son œuvre pop et ludique Funjab, le hijab fun qui lui avait valu une critique élogieuse dans la rubrique « On the Verge » du New York Times. Une œuvre qui prend à contrepied le stéréotype réducteur de la femme voilée. « Avec l’humour, j’ai voulu traiter du sujet du voile sans évoquer la religion », nous explique-t-elle. Son traitement du sujet est frais, unique, surprenant, et insolite. « Le jugement peut être remplacé par la tendresse et l’humour », estime-t-elle. Mais pour les curateurs d’« Unorthodox », c’est sa vidéo d’animation Pamela qui s’inscrit le mieux dans le propos de l’exposition. L’histoire, en huit minutes, reprend les thèmes classiques de l’amour et de la mort en mettant en scène la rencontre d’un chien anthropomorphique et de son amoureuse. « Ce côté léger, insouciant, amplifié par l’animation et le travail fait main, nous avait interpellés. Il est finalement là, le travail en dehors de la norme », commente Kelly Taxter. Le propos de l’exposition reste très ambitieux. Le visiteur aguerri n’est pas surpris. Si certains découvrent des artistes, sur le plan philosophique la transgression n’est pas ressentie. Interrogée justement sur le rapport à la transgression à New York et au Maroc, Meriem Bennani nous confie : « à New York, même si je le voulais, je ne pourrais pas transgresser. Mais au Maroc, avant même de démarrer un projet, je suis déjà dans la transgression ! »


«Unorthodox», Jewish Museum, New York, jusqu’au 27 mars.

 

par Salima Yacoubi Soussane

Farid Belkahia, Guerrier, 1963-64 (À gauche: technique mixte surpapier, 87 x 65,5 cm Collection privée // À droite: cuivre sur bois, 90 x 60 cm Collection privée)
Farid Belkahia, Guerrier, 1963-64 (À gauche: technique mixte surpapier, 87 x 65,5 cm Collection privée // À droite: cuivre sur bois, 90 x 60 cm Collection privée)
Elle et Lui I, bois peint, 2012. Copyright de l'artiste
Elle et Lui I, bois peint, 2012. Copyright de l'artiste
Ghada Amer, Test #6, 2013, acrylique, broderie et gel sur toile Courtesy de l’artiste et Cheim & Read Gallery
Ghada Amer, Test #6, 2013, acrylique, broderie et gel sur toile Courtesy de l’artiste et Cheim & Read Gallery
Uche Okpa-Iroha, série The Plantation Boy (2012)
Uche Okpa-Iroha, série The Plantation Boy (2012)
x
seisme maroc

La rédaction de diptyk se joint aux nombreuses voix endolories pour présenter toutes ses condoléances aux familles des victimes du séisme qui a frappé notre pays.

Nos pensées les accompagnent dans cette terrible épreuve.

Comme tout geste compte, voici une sélection d'associations ou d'initiatives auxquelles vous pouvez apporter votre soutien :