L’historienne de l’art Anne Lafont s’intéresse à la représentation des Noirs dans les arts visuels du XVIIIe siècle, en pleine expansion coloniale. Ses réflexions se situent dans le prolongement du débat qui a opposé au XVIIe, à l’Académie royale de peinture, les poussinistes, partisans de la couleur, et les rubénistes, partisans du des- sin. Elle nous montre comment la blancheur du teint a contribué à une construction identitaire à la fois sociale et raciale permettant, en contrepoint, d’élargir le spectre des couleurs. La peinture aura sans doute contribué à populariser la notion aujourd’hui inopérante de race. Si la référence picturale est omniprésente, l’auteure n’en néglige pas pour autant d’autres supports visuels, tels que l’ima- gerie scientifique ou les arts décoratifs, incluant les textiles et l’horlogerie, dont elle montre qu’ils participaient eux aussi de cette racialisation iconographique. « Le Nouveau Monde, écrit-elle, en était donc un de couleurs (naturel, artisanal, humain) car la nature offrait l’exploitation de ses pigments. » Aventure de la couleur qui permit aussi aux artistes, notamment avec Géricault, de sensibiliser le public aux questions de l’esclavage et du colonialisme.
Anne Lafont, L’Art et la Race. L’Africain (tout) contre
l’œil des Lumières, éditions Les presses du réel, 467 p., 350 dirhams.