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DERNIERS JOURS : RAPHAEL DURANS A LA GALERIE FATMA JELLAL

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« Il faut s’adresser au vide pour en extraire le signe »

 

Pour Diptyk, le curateur Bernard Collet et le peintre Raphaël Durans, tous deux originaires de Casablanca, poursuivent leur réflexion sur l’art concret, cette peinture de l’épure qui revient à l’essentiel.

 

Bernard Collet : Raphaël, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Raphaël Durans : Il faut remonter aux origines, à mon enfance. En effet mon père Marcel Durans était artiste peintre, il maîtrisait parfaitement son travail d’impressionniste et d’orientaliste. J’avais 3 ans lorsque nous nous sommes installés au Maroc, et je puis dire que je suis tombé dans la térébenthine de son atelier étant petit, fasciné par les couleurs. C’est à Casablanca dans les années 1955-1960 qu’il créa une école de peinture à son nom, sur le boulevard de la Corniche. Vers l’âge de 12 ans nous sommes revenus en France et j’ai appris de mon père la technique : c’est là qu’il m’a transmis sa passion. Après un très court passage en 1967 à l’école des Beaux-arts de Lyon en section « Arts décoratifs », j’ai voulu voler de mes propres ailes. Les peintres expressionnistes abstraits m’ont beaucoup inspiré : Kandinsky, Pollock, de Kooning… Après avoir travaillé près de dix ans dans ce sens, ma sensibilité et mes rencontres avec des artistes tel que Franck Stella, Theo van Doesburg, Max Bill, etc. m’ont emmené au silence de la géométrie. Je suis allé vers le calme des couleurs grises, en éliminant toute forme d’agitation et laissant travailler l’œuvre elle-même, sans y rajouter mes passions ou autres sentiments contradictoires. C’est pourquoi ma démarche aujourd’hui, dite concrète ou construite, me correspond car elle permet d’ancrer mon travail en amont. La réalisation de maquettes et de dessins me permet d’aller à la recherche de la forme.

 

BC : Selon le Manifeste de l’art concret(Theo van Doesburg, 1930), « Le tableau doit être entièrement construit avec des éléments purement plastiques, c'est-à-dire plans et couleurs. Un élément pictural n'a pas d'autre signification que "lui-même" en conséquence le tableau n'a pas d'autre signification que "lui-même" ». Pour le dire autrement : L’abstraction géométrique, c’était encore la possibilité d’une approche intuitive par le peintre, dans laquelle joue sa sensibilité et ses affects. Comme c’était le cas avec l’Impressionnisme et l’Expressionnisme… L’art concret c’est la neutralité même, ne comptent plus que la surface, la ligne, la couleur. N’est-ce pas cela qui vous a intéressé ?

RD : C’est pour cela que mon travail représente une synthèse entre l’abstraction géométrique et l’art concret, car j’interroge le vide. Même si mes états d’âme ne sont pas représentés, il y a malgré tout une résonnance spirituelle au sens large, une mise en harmonie entre l’objet créé et le créateur.

Bien sûr, il est difficile d’échapper à son propre parcours, à tous les artistes de l’histoire de l’art qui nous interpellent. Je n’ai rien inventé : j’interprète, je tamise cette histoire, j’essaie modestement d’interpréter l’universel. Et de mes fêlures, je tente de laisser passer la lumière. En définitive, je m’adresse plus à l’émotion qu’à l’intellect, un peu comme le fait l’architecture iconique des abbayes cisterciennes.

 

BC : Peinture « sèche », diront certains, intellectualisée, conceptuelle… Pourtant elle induit autre chose, et qui la dépasse. Vers quoi tend cette peinture ?

RD : Ma réflexion est celle-ci : il faut s’adresser au vide pour en extraire le signe, ce signe qui crée la forme. Ceci revient à plier cette forme pour lui donner un rythme. Puis il s’agit d’éteindre les couleurs au maximum, afin de restituer le silence dont cette forme est issue.

Mon travail prend toute sa dimension avec les toiles, les châssis découpés et complexes qui provoquent une prise d’espace sur le mur. C’est une appropriation de l’espace du tableau, bien supérieure à l’enfermement d’un sujet dans un carré ou un rectangle. Les angles créent leurs propres sillons, qui se prolongent à l’infini sur les cimaises, et peut-être même au delà…

Entretien réalisé par Bernard Collet avec Raphaël Durans en mai 2013.

 

Raphaël Durans

« Achromatic Game »

Galerie FJ, Casablanca

Commissaire de l’exposition : Bernard Collet

Jusqu’au 13 juillet 2013

©katrinasorrentino_Mariane Ibrahim Gallery 1-54 NY 2016
©katrinasorrentino_Mariane Ibrahim Gallery 1-54 NY 2016
(detail) La bibliothèque d'Ahmed Bouanani curatée par Omar Berrada de Dar al-Mamoun
(detail) La bibliothèque d'Ahmed Bouanani curatée par Omar Berrada de Dar al-Mamoun
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