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ECRIRE ET VOIR

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Une rétrospective, la sortie au Maroc du film Les Chevaux de Dieu de Nabil Ayouch inspirée de son très puissant « Les Etoiles de Sidi Moumen » publié en 2010, la sortie de son dernier roman chez Fayard « Le Seigneur vous le rendra », 2013 est l’année de la consécration méritée pour Mahi Binebine. L’artiste iconoclaste est à lui seul un monument. Entretien.

Depuis vingt ans, tu crées un univers où gravitent des êtres en prise avec leurs maux, leurs fantasmes, des duos, des Atlantes décapités qui semblent porter sur leurs épaules un monde trop lourd, celui de leurs espoirs. Une incommunicabilité dont tu es le témoin au Maroc, et qui trouve résonance dans les romans que tu as publiés, ou simplement une vision plus globale ?

Depuis tout petit, je n’ai jamais supporté l’injustice. Je suis né et j’ai grandi dans un pays désorganisé et injuste. Quand il m’a été donné d’écrire et de peindre, je ne pouvais faire autrement que de raconter nos travers. Donner une voix, un visage aux petites gens qui m’entouraient. Raconter leurs joies, leurs peines, leur difficulté d’exister, mais aussi leur violence, leurs micmacs. Tout un monde empreint d’une tendre noirceur, d’un désespoir souriant, etc.

Toi qui as la chance de t’illustrer avec autant d’aisance dans les arts plastiques que dans la littérature, que te procure l’un que tu n’obtiens pas avec l’autre, ou l’écriture est-elle un prolongement naturel de la peinture ?

J’ai commencé l’écriture à peu près en même temps que la peinture voilà plus de vingt-cinq ans. Ce sont deux modes d’expression complémentaires. L’écriture, un processus rationnel, demande une vraie réflexion, exige un raisonnement quasi-mathématique qui n’empêche pas les envolées lyriques et autres digressions poétiques. La peinture en revanche relève de l’émotion pure, c’est une démarche presque irrationnelle, en tout cas pour ma part. J’y trouve une liberté plus grande. Quand je peins, je commence par esquisser un personnage en surface et puis je cherche à le pénétrer, voir ce qu’il y a à l’intérieur. Quand j’écris, je me place d’emblée à l’intérieur du personnage, c’est à dire, en plein dans les sentiments, pour restituer une image. Donc, entre peinture et écriture, il y a un mouvement de va-et-vient que je trouve très intéressant.La peinture (comme l’écriture) me permet de disséquer les innombrable facettes de la nature humaine. La figure, le masque sont des outils fantastiques. On peut les faire parler, hurler, chanter. On peut aussi les bâillonner, les aveugler…Tout cela permet en réalité d’inventer un être meilleur, des sentiments supérieurs, de transcender la condition de l’homme.

Galerie 38 a consacré son espace à de belles rétrospectives. La tienne démarre l’année 2013 et annonce quelques œuvres inédites et des travaux récents, comment s’est fait leur sélection ?

Quand on commence à vous proposer des rétrospectives, des hommages … c’est mauvais signe. Cela signifie que l’on vieillit. Mais j’ai joué le jeu. J’ai contacté mes galeries étrangères pour leur demander des tableaux anciens. J’ai trouvé quelques pièces (oubliées) à Cologne et Paris. Cela m’a fait un drôle d’effet de revoir, avec les yeux d’aujourd’hui, mon travail d’hier. Je ne vous cache pas que j’ai une certaine angoisse à me mettre à nu dans ce genre d’exercice.

 

Stéphanie Gaou

Mahi Binebine, Sans titre, 2012 © Fouad Maazouz
Mahi Binebine, Sans titre, 2012 © Fouad Maazouz
"Casque d'or", tirage argentique contre-collé sur aluminium, 180 x 120 cm, 2012-2013. Courtesy de l'Atelier21
"Casque d'or", tirage argentique contre-collé sur aluminium, 180 x 120 cm, 2012-2013. Courtesy de l'Atelier21
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