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IA au Maroc : une renaissance artistique ?

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L’exposition « AI Ae : Artificial Intelligence Arts exhibition » présente aux côtés d’œuvres pionnières les travaux expérimentaux d’artistes marocains qui interrogent, à cette occasion, leur rapport à la création assistée par l’intelligence artificielle.

Pour Mehdi Sefrioui, commissaire de l’exposition « AI Ae : Artificial Intelligence Arts exhibition » présentée à l’American Arts Center de Casablanca, nul doute que l’AI soit « un outil de création au même titre que la peinture ou la photographie ». C’est avec cette conviction qu’il rejoint le projet initié par Hamid Lakhdar, co-fondateur du Fine Art Lab Ofoto, qui a fait appel à des artistes pionniers tels que le collectif Obvious ou l’artiste néerlandaise Louise Te Poele. Les premiers, connus pour avoir vendu la première œuvre en IA chez Christie’s en 2018, présentent leurs Sept Merveilles du Monde générées à partir de textes littéraires et historiques qu’une simple application permet de visualiser en réalité augmentée. La seconde présente des tableaux à l’esthétique surréaliste déjouant les codes de la nature morte. « On est dans la création visuelle pure qu’on peut appeler aussi collage numérique », commente Mehdi Sefrioui.

Participent à cette aventure inédite plusieurs artistes visuels et photographes marocains commençant à expérimenter le potentiel créateur d’applications telles que Midjourney ou Stable Diffusion, non sans inquiétude parfois, mais le plus souvent avec le désir de relever un challenge. Pour Walid Bendra, adepte de la photographie argentique, l’IA s’apparente à « un nouvel assistant ou un autre cerveau » grâce auquel il confronte son travail aux images générées par Midjourney à partir de mots clés ou de ses propres photos. Le résultat est saisissant et l’artiste s’étonne lui-même de la capacité de l’AI « à traduire des émotions ».

Loin des propositions regardant du côté de la science-fiction et d’un univers post-apocalyptique, la proposition de Christian Mamoun intitulée malicieusement What could have been explore un imaginaire personnel partagée entre sa double culture marocaine et allemande. Les images qu’il génère s’apparentent pour lui à « une nostalgie du possible » faisant autant la part belle aux souvenirs qu’aux fantasmes. Soucieux de brouiller les pistes, le photographe précise que certaines des images, toutes imprimées à partir de la technique du cyanotype, relèvent véritablement de la photographie. Ce flou revendiqué revêt pour lui une dimension pédagogique : « J’ai toujours considéré, explique-t-il, qu’on devrait apprendre à lire et à analyser les images comme on apprend à lire, écrire ou compter. C’est primordial que les gens s’éduquent à l’image. »

Louise Te Poele, The future is a red egg, 2022, Fuji Paper Fine Art Rag 300g. Laminated on Dibond.

Image-seed vs image variante

Force est de constater, par ailleurs, que les travaux des artistes marocains restent le plus souvent ancrés dans la réalité culturelle qui est la leur, à l’instar des mises en scène d’Idries Karnachi adepte du collage numérique dont l’image intitulée Caftan America se joue des clichés orientalisants relatifs à la représentation des femmes marocaines. De même Mehdi Sefrioui recherche ce qu’aurait pu être l’image de la femme berbère avant que ne se fabrique une iconographie coloniale ayant forgé les imaginaires. « Je suis dans une démarche de rééducation de l’imaginaire marocain », précise l’artiste, mettant en avant « le rapport à la représentation biaisé et manipulé » qu’a pu connaître, selon lui, le Sud global.

Reste enfin l’épineuse question du copyright et du statut juridique de ces images générées par l’IA. « L’image-seed quand elle préexiste ne m’appartient pas », commente Christian Mamoun, expliquant la différence entre l’image-seed (image première ou image source) et l’image-variante. « Par contre, l’image-variante peut m’appartenir », ajoute-t-il. Pour Walid Bendra qui appelle de ses vœux « un système de traçage plus développé », la question se pose davantage au niveau du contrôle. Qu’on le veuille ou non, la révolution est là et il reste aux artistes de continuer à accompagner ce que Mehdi Sefrioui apparente à une nouvelle forme de « renaissance ».

Olivier Rachet

Exposition « AI Ae : Artificial Intelligence Arts exhibition », American Arts Center, Casablanca, jusqu’au 31 décembre 2023, avec Christian Mamoun, Idries Karnachi, Mehdi Sefrioui, Mouad Aboulhana, Walid Bendra, Yassire Ramzi, Arno Coenen, Louise Te Poele, Rodger Werkhoven, Agoria, Charles AI, Inès Chtouki, Obvious, Takyon 236, Thibaud Zamora, Scénographie : Kenza Amrouk.

Obvious, Série « Les Sept Merveilles du monde »
Christian Mamoun, Série « What could have been”, image unique, technique mixte
Christian Mamoun, Série « What could have been”, image unique, technique mixte
Christian Mamoun, Série « What could have been”, image unique, technique mixte
Mehdi Sefrioui, Série « The future that was”

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