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Kunstkompass, Artfacts, Power 100… que valent vraiment les palmarès d’artistes?

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Spécialiste de l’art contemporain et professeur de sociologie de l’art à l’université Paris-VIII, Alain Quemin analyse dans son dernier ouvrage l’élaboration et le rôle des principaux classements d’artistes contemporains. Et les gagnants sont…

par Alexandre Aublanc

 

L'art contemporain regorge de palmarès, vous en dénombrez une douzaine au niveau mondial. Comment expliquez-vous cette obsession des classements ?

L’art contemporain est né en 1969 avec la grande exposition séminale organisée à la Kunsthalle de Berne par Harald Szeemann, « When Attitudes Become Form », qui a changé le regard sur la création. Or, c’est presque simultanément, en 1970, qu’est apparu le premier palmarès d’artistes : le Kunstkompass (« boussole de l’art » en allemand, ndlr). Comme s’il était devenu nécessaire de résoudre l’incertitude qui pesait alors sur la valeur des artistes contemporains. Auparavant, les analystes et commentateurs avaient déjà été confrontés à la problématique du niveau de qualité des créateurs, mais jamais il n’avait été envisagé de les classer. Les choses ont bien changé depuis. Parallèlement à sa médiatisation, l’art contemporain a vu naître de plus en plus de palmarès avec, à chaque fois, la tentation d’objectiver l’importance des artistes classés.

 

Quels sont les classements les plus marquants et comment se mesure leur degré d'influence ?

Il en va des classements d’artistes comme de l’horoscope, ceux qui les critiquent les consultent régulièrement. Résultat ? Les palmarès exercent un effet performatif lié à leur simple lecture. La longévité du Kunstkompass, qui existe depuis plus de quarante ans, témoigne d’une certaine légitimité mais avec un positionnement pro-allemand très marqué. Artfacts, un palmarès concurrent créé en 2003, cherche à corriger cela. Depuis 2002, The Art Review publie chaque année un autre classement très médiatisé, le Power 100. Il s’agit d’un palmarès des personnalités les plus puissantes du monde de l’art contemporain. Au-delà des seuls artistes, on classe désormais les galeristes, les collectionneurs, les conservateurs, tous ceux qui ont leur mot à dire sur la création contemporaine.

 

Les Etats-Unis et l'Europe trustent 90% des palmarès. A contrario, la Chine et  le monde arabe sont très peu présents. Pourquoi ?

Contrairement à la croyance commune, qui veut que les frontières aient disparu et que tous les pays soient intégrés à la scène internationale de l’art, celle-ci reste encore très centrée sur les Etats-Unis. A lui seul, ce pays contrôle environ la moitié de la création internationale reconnue par les classements. L’Allemagne occupe également une très confortable position et la Grande-Bretagne s’en sort plutôt bien. Ce n’est pas le cas de nations comme la France, l’Italie, la Suisse ou l’Autriche qui sont nettement distancées et ne jouent plus qu’un petit rôle aujourd’hui. Quant aux autres pays, n’en parlons pas. La Chine a certes explosé sur le marché mondial des enchères à partir de 2007, mais ses artistes sont encore trop peu à être intégrés à la scène internationale. C’est la même chose pour le monde arabe.

 

Vous évoquez « une similitude frappante en termes de nationalité entre ceux qui produisent la reconnaissance et ceux qui en bénéficient. » La qualité des artistes n'est plus un élément de sélection ?

Disons que la qualité d’un artiste est une notion socialement construite par les acteurs de l’art contemporain, dont la coordination régule ce monde et fixe les barrières qui en limitent l’accès. Les Occidentaux, avec en tête les Américains, les Allemands et les Britanniques peuvent ainsi imposer leurs propres catégories de jugement, qui bénéficient de facto à leurs propres artistes. Quand on les étudie de près, la plupart des classements ne font que vérifier l’hypothèse bourdieusienne qui démontre l’homologie entre experts et lauréats, à plus forte raison qu’ils appartiennent tous à la même localisation géographique.

 

[…] Retrouvez l'intégralité de cet entretien dans Diptyk#21, aujourd'hui en kiosque.

 

Alain Quemin, Les Stars de l'art contemporain. CNRS Editions, 2013.

Les Stars de l'art contemporain
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