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La constance de l’onde

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Après plus d’un demi-siècle de carrière, Mohamed Melehi semble redoubler de force. Il est peut-être le seul artiste marocain à maintenir un rythme régulier. Chaque année, il revient sur la scène avec une nouvelle exposition et de nouvelles problématiques. Ceux qui seraient tentés de ne regarder que la surface posent toujours la question de la « mêmeté » (selon le concept de Paul Ricoeur) dans l’œuvre de Melehi. D’ailleurs ce n’est qu’une réactualisation d’un problème déjà vieux de plus cinquante ans : « En 1965, un an après mon retour au Maroc, et lors de ma première exposition à Bab Rouah la presse, surtout nationaliste, avait qualifié mon travail d’américain. À la lecture des articles, je suis allé rue des Consuls à Rabat, j’ai acheté un tapis du Haouz et je l’ai accroché à côté des mes œuvres. »

La correspondance était évidente, surtout pour les imaginations éveillées. Un geste magistral pour dire, par-delà la querelle des images, que la peinture de Melehi était ancrée dans la tradition visuelle marocaine d’une part et que d’autre part l’artisanat marocain pourrait être universel. La ressemblance ne pouvait donc que démontrer la force d’une telle tradition. D’ailleurs, lors de l’exposition « Le Maroc contemporain » à l’IMA en 2014-15, dont Jean Hubert Martin et moi étions les commissaires, nous étions tentés d’exposer un tapis intégré aux œuvres de Melehi.

Aujourd’hui, ce même problème migre dans le temps et se pose à nouveau. En fait, pour le résoudre, il faut comprendre la relation de Melehi à la grammaire de l’artisanat. Il capte sa « fréquence », comme il me le disait dans un entretien pour mon livre Identité et modernité dans la peinture marocaine, zoom sur les années 60, paru en 2012. C’est le principe de la cybernétique, dont il parle depuis 1962, année de sa série de tableaux IBM, dont l’un est la propriété du Centre Georges Pompidou à Paris. « Je transforme tout en modules, tels les trous des cartes perforées des premiers ordinateurs, et j’en crée des combinaisons en proposant au récepteur de recomposer le tableau à sa manière », m’a-t-il déclaré récemment. Il s’agit d’une réception dynamique de l’œuvre où l’imagination créatrice et participative du spectateur est fortement sollicitée.

Melehi fait partie des artistes, rares, qui approfondissent leur problématique au lieu de s’étaler sur la surface de l’espace-temps. Les exemples ne manquent pas, aussi bien dans l’art classique que moderne. Arrêtons-nous sur les œuvres de David et Ingres pour les néoclassiques, de Delacroix et Géricault pour les romantiques, de Van Gogh, Cézanne,  Picasso ou encore, plus proches de notre époque, de Soulages, Rothko et bien d’autres. Les œuvres de ces maîtres – Melehi en fait partie – marquent une époque et s’impriment sur la rétine de l’histoire de l’art universel.

Moulim El Aroussi

 

Mohamed Melehi, «Similitudes», Loft Art Gallery, Casablanca, à partir du 13 décembre 2017.

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