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La révolution photographique des femmes iraniennes

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Espace vital, Femmes photographes iraniennes convoque trois générations d’artistes qui documentent l’Iran, de la révolution islamique de 1979 jusqu’à nos jours. Une radiographie sensible de cette société iranienne qui fait aujourd’hui l’actualité par le combat de ses femmes en quête de liberté.

Un sentiment d’urgence anime le livre Espace vital, Femmes photographes iraniennes publié sous la direction d’Anahita Ghabaian Etahadieh qui a fondé, en 2001, à Téhéran la première galerie consacrée à la photographie contemporaine. « La photographie est un espace vital pour s’exprimer », écrit-elle en ouverture d’un ouvrage qui convoque trois générations de femmes photographes. Si nombre d’entre elles ont documenté les répressions des libertés subies depuis la révolution de 1979 ou le conflit Iran-Irak, la plupart privilégient une approche poétique et métaphorique pour témoigner de l’enfermement symbolique dans lequel celles-ci continuent de vivre.

S’ouvrant sur les photographies en noir et blanc de Hengameh Golestan ayant immortalisé la manifestation du 8 mars 1979 contre l’obligation du port du voile qui résonne étrangement aujourd’hui, le livre se poursuit avec l’aventure d’artistes telle que Shadi Ghadirian dont la série devenue iconique Comme tous les jours met en scène des femmes portant un tchador dont le visage est masqué par un ustensile de cuisine.

Disparition du corps féminin

Mais loin de se cantonner à un aspect militant, la photographie féminine iranienne brille surtout par sa maturité artistique comme en témoignent l’intérêt porté aux archives ou des recherches plus expérimentales qui innervent le travail de Sahar Mokhtari, adepte du photomontage et du collage, ou celui de Ghazaleh Hedayat. Dans sa série Répétition, cette dernière propose des autoportraits dont le visage, la peau et la chevelure sont littéralement grattés par l’artiste afin de suggérer l’inéluctable disparition du corps féminin de l’espace public.

Effacement contre lequel lutte Newsha Tavakolian qui s’intéresse dans sa série Écoutez aux chanteuses interdites de se produire en solo ou d’enregistrer en leur nom. En 2010, elle crée, pour illustrer cette série et rendre à ses soeurs leur dignité bafouée, des pochettes de CD imaginaires, dont l’une se retrouve en couverture du livre. Une couverture coup de poing à l’image d’un ouvrage qui rend hommage au courage de celles qui continuent de se battre pour l’égalité.

Olivier Rachet

Espace vital, Femmes photographes iraniennes, sous la direction d’Anahita Ghabaian Etehadieh, éditions Textuel, 160 p.
Newsha Tavakolian Pochettes de CD imaginaires, série Écoutez, 2010 Newsha Tavakolian est membre de l’agence Magnum depuis 2019. Elle commence à travailler pour la presse iranienne à l’âge de 16 ans, couvrant guerres et questions sociales. Au fil du temps, sa pratique devient plus artistique et conceptuelle. Elle ne cherche jamais à communiquer un message de façon frontale, préférant un langage métaphorique. La série Écoutez met ainsi en scène des chanteuses iraniennes qui, selon les lois en vigueur depuis la révolution de 1979, ne peuvent plus se produire en solo ni enregistrer un disque en leur nom, contrairement à leurs homologues masculins ainsi que leurs pochettes de CD imaginaires. « Pour moi, la voix d’une femme représente un pouvoir. Si vous la faites taire, cela déséquilibre la société́ et déforme tout. © Newsha Tavakolian
Gohar Dashti Série La Vie moderne et la guerre, 2008 Alors même que le conflit entre Iran et Irak est vieux de plusieurs décennies, la guerre et ses conséquences continuent à hanter les Iraniens. C’est le cas de Gohar Dashti, dont la série La Vie moderne et la guerre représente cette obsession en montrant un couple menant ses activités quotidiennes au milieu d’un champ de bataille fictif. © Gohar Dashti
Nazli Abbaspour Série Réincarnation, 2017-2019 Le rapport de Nazli Abbaspour au passé est empreint de nostalgie. Dans sa série L’Énigmatique Marge de l’existence, elle utilise la technique du photomontage à partir d’images issues de ses albums familiaux pour peupler des ruines ou des bâtiments laissés à l’abandon d’habitants imaginaires, et ainsi recréer la splendeur et le faste d’un monde révolu. Au-delà̀ fictif et fantômes du passé entrent en dialogue avec le présent comme les symboles d’une identité́ confuse, brouillée par les événements successifs qui ont secoué́ l’Iran. © Nazli Abbaspour
Shadi Ghadirian Série Comme tous les jours, 2000-2001 Avec son projet Comme tous les jours, qui met en scène des femmes portant un tchador dont le visage est masqué par des ustensiles ménagers, l’artiste dénonce l’assignation des femmes à la sphère domestique. © Shadi Ghadirian
Atoosa Alebouyeh Série Cachée, 2018 Avec sa série Cachée, Atoosa Alebouyeh réalise un autoportrait intimiste paradoxal : bien que l’artiste se dise pudique et secrète, elle devient le personnage principal de ses mises en scène. Elle y raconte de manière indirecte ses peurs, rêves et cauchemars. L’atmosphère dépouillée et les contrastes très marqués de ses photographies se veulent un écho à son état d’esprit, à un moment de sa vie où elle a souhaité́ s’isoler et réduire ses interactions sociales. © Atoosa Alebouyeh
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