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LE MONDE ARABE SOUFFRE TOUJOURS DE L’ABSENCE D’UN ESPACE DE LEGITIMATION

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Brahim Alaoui, historien et commissaire d’expositions, dirige la nouvelle collection « Images affranchies » aux éditions Skira, qui œuvre pour la promotion de l’art contemporain arabe. Avec quatre monographies publiées depuis 2011 (Faisal Samra, Halim Al Karim, mounir fatmi, Fouad Bellamine), il ancre l’art arabe dans une universalité qui garantit à cette zone géographique un sérieux qui lui faisait peut-être jusque-là défaut.

 

Brahim Alaoui, expliquez-nous comment est née l’idée d’une telle collection.

Elle a été créée pour faire mieux connaître les artistes arabes, dont certains sont déjà reconnus au niveau international. Nous avons constaté que si les œuvres de certains d’entre eux attirent de plus en plus l’intérêt des médias et du marché de l’art mondialisé, le monde arabe souffre toujours de l’absence d’un espace de légitimation dévolu en partie aux critiques d’art et aux institutions muséales. Le problème réside dans l’éclairage historique et théorique que nécessite la construction de valeurs artistiques durables. J’ai pris cette initiative afin de contribuer à la constitution de la mémoire de cette création, de la contextualiser et mettre en place les prémisses de son socle théorique.

 

Avec « Images affranchies », on pense au titre de l’exposition présentée dans le cadre du Parcours culturel pendant l’édition 2011 de la Marrakech Art Fair. Vous étiez commissaire de l’exposition, comment avez-vous arrêté votre choix sur ces artistes-là de la nouvelle garde artistique et pas sur d’autres ?

Cette collection en construction s’inscrit en effet dans un projet global, puisque l’exposition « Images affranchies » avait permis de présenter les œuvres d’une sélection d’artistes contemporains et que l’édition de cette collection en est le prolongement. Il s’agit de mettre en perspective le travail de cette nouvelle génération d’artistes qui se sont émancipés des voies classiques de la représentation. Ils explorent de nouveaux médias pour rendre compte d’un univers en mutationet bousculent bon nombre de dogmes et tabous qui pèsent sur leurs sociétés. J’ai amorcé cette collection avec l’objectif d’éditer deux monographies par an en tenant compte de la singularité et diversité des regards qui caractérisent certains acteurs de cette scène artistique émergente. Il est évident que le choix des artistes à publier appartient au directeur de collection que je suis, et je reconnais que ce choix contient certainement une part de subjectivité que j’assume tout en ne prétendant nullement à l’exhaustivité.

 

D’autres monographies sont-elles prévues dans un avenir proche ?

Il est prévu pour la fin de cette année la sortie d’une monographie consacrée à Mohamed El Baz et à moyen terme la publication de monographies sur Kader Attia, Youssef Nabil et Zoulikha Bouabdellah. D’autre part, et toujours dans le souci de contribuer à la constitution d’archives sur la modernité picturale dans le monde arabe, j’ai lancé une deuxième collection chez Skira qui s’intitule « Figures » et qui sera consacrée aux fondateurs emblématiques de cette modernité. La première publication de cette nouvelle collection sera consacrée à l’artiste Farid Belkahia, dont les œuvres viennent d’intégrer le musée du Centre Pompidou à Paris, et la deuxième à l’artiste libanais Chafik Abboud.

 

Revenons à mounir fatmi et à l’ouvrage qui lui est consacré, pourquoi avoir choisi de confier l’étude de son parcours à Lillian Davies ?

Par principe nous confions la rédaction de ces monographies à des regards professionnels internationaux qui les élaborent en étroite collaboration avec les artistes. Quant à la ligne éditoriale, l’idée est de présenter au grand public un texte pédagogique et bilingue (français et anglais) contenant des repères historiques et des étapes significatives de l’œuvre et du parcours de l’artiste. Concernant le choix de Lillian Davies, qui est une historienne et critique d’art d’origine américaine installée à Paris, il repose sur le fait qu’elle suit le travail de Mounir et entretient avec lui des échanges depuis un certain temps. Elle nous livre une étude approfondie des œuvres majeures de cet artiste ainsi qu’une analyse des contextes politiques et culturels qu’il a choisi d’explorer à travers la photographie, la vidéo, la sculpture et les installations. Enfin, le choix d’un tel auteur reflète aussi l’intérêt porté par la critique d’art et les médias internationaux à l’œuvre de mounir, qui transcende les frontières.

 

En quoi l’enfant des quartiers populaires de Tanger qui a grandi près du marché aux puces de Casabarata est-il un modèle pour les artistes émergents, lui qui a su appréhender les grands bouleversements du monde arabe ?

Lillian Davies parvient justement à rendre compte du développement des intérêts esthétiques et conceptuels de Mounir en retraçant son parcours, notamment sa jeunesse à Tanger, ses études artistiques en Italie jusqu’à son installation à Paris. L’ouvrage révèle la permanence de ses préoccupations en matière de langage et d’architecture, ainsi que la force percutante des œuvres juxtaposant les différents niveaux de culture, le profane et le religieux, l’Orient et l’Occident. C’est dans cette interaction entre ses préoccupations esthétiques et son expérience existentielle, qui se matérialise dans l’intime individualité de la création, que l’artiste invente de nouveaux gestes plastiques pour dire l’époque dans laquelle il s’inscrit et dont il débusque ou anticipe les mouvements en cours ou à venir.

{…} Retrouvez l'intégralité de l'entretien dans diptyk#17, actuellement en kiosque.

 

Propos recueillis par Chloé Landini

 

Suspect Languages, mounir fatmi

Lillian Davies

Aux éditions Skira,

Collection Images Affranchies

Sido Lansari, série Papa suce et Maman coud, 2013 Courtesy de l’artiste
Sido Lansari, série Papa suce et Maman coud, 2013 Courtesy de l’artiste

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